Le livre de mer

Henry de Monfreid - Les secrets de la Mer Rouge

  Les Secrets de la Mer Rouge est le premier ouvrage à succès d’Henry de Monfreid à découvrir ou à relire avec son style si particulier et ses images d’ouverture sur des mondes lointains. Il lui faut l’air du large, le pont vibrant de son boutre, toutes voiles dehors fuyant coups de vent et tempêtes, en compagnie de ses fidèles Danakils, dont il porte le turban et le simple pagne. Remarquable marin, il trafique les perles et les fusils.

François Leguat découvre Rodrigues une île déserte

Voici un récit que je qualifierai de "haut en couleurs". Les couleurs se sont celles du paradis que découvrent François Leguat et ses quelques camarades débarqués sur l'île déserte de Rodrigues. Une île où ils vont vivre comme des Robinsons durant deux années et qu'il qualifieront d'Eden.

 

La hauteur est celle de l'esprit et du caractère de ce français de plus de cinquante ans. Imaginez vous : protestant chassé par la révocation de l'Edit de Nantes, il vit quelques temps en Hollande avant de s'embarquer en 1691 pour les îles. Jamais une plainte, un optimisme et un courage forts biens placés. Cet homme simple est exceptionnel dans sa conduite et dans son rapport avec les jeunes gens qui partagent son exil.

 

Tous les ingrédients de l'aventure sont présents : navigation périlleuse, mauvais capitaine, abandon sur la plage, vie "sauvage", découverte des animaux, de la faune et de la flore tropicale, adaptation alimentaire, isolement, absence de compagnes, décés, construction d'une barcasse de fortune pour une navigation périlleuse. Dans cette immense étendue et sans instruments,  la probabilité de tomber sur l'île Maurice était quasiment nulle. Et pourtant ils y sont arrivés ! Je vous laisse découvrir la suite. Bonne lecture ! Petit détail, François Leguat est mort quasiment centenaire, preuve que l'aventure est bonne pour la santé !

 

Aujourd'hui un oiseau de l'île Maurice porte son nom, et une réserve naturelle lui est dédiée à Rodrigues.

 

Lire Le voyage et les aventures de François Leguat, gentilhomme bressan.

Brest fêtes maritimes et aventures humaines

Un bel ouvrage signé  de Sandrine Pierrefeu et Violaine Pondard pour préparer votre venue à Brest 2024. Un bel hommage aussi à la ville qui a vu naître, après un premier essai en 1980 à Pors Beac'h, le premier rassemblement de voiliers à Logonna-Daoulas en 1982. En 1986 c'est Douarnenez qui regroupe les vieux gréements. Brest reprend le flambeau en 1992 psur un rythme de quatre ans. 2020 fait exception pour cause de pandémie mais 2024 sera formidable, tout comme les illustrations et les anecdotes de Brest Fêtes maritimes.

 

Jean-Marie Quiesse - 09 06 2024

 

Brest Fêtes maritimes

Cochrane VS Cthulhu

"Ici, le fort Boyard et la baie qui l’entoure n’ont rien à voir avec une émission de TV estivale. Flambant neuf et armé de tous côtés de son sous-sol jusqu’à son sommet, le fort protège les lieux, mais surtout un mystérieux artefact. Une nuit, plusieurs événements se produisent en même temps. Les frères Champollion et un commissaire politique arrivent, mandatés par l’Empereur pour percer le mystère de l’objet. Et Lord Cochrane, marin écossais soi-disant en disgrâce, se laisse capturer pour passer la nuit dans le fort, tandis que des êtres étranges venus de la mer lui donnent l’assaut. D’une certaine façon, Cochrane vs Cthulhu réussit son pari. Gilberto Villarroel parvient à mêler roman militaire historique et horreur lovecraftienne en faisant, comme il se doit, monter l’angoisse et la terreur de façon insidieuse jusqu’à l’explosion finale."

 

Cette excellente et pertinente critique de Stéphanie CHAPTAL donne une bonne idée de ce roman maritime de Gilberto Villarroel qui a le mérite d'amener le terrible Cthulhu en baie de Rochefort. Savard l'a bien rendu responsable de l'éboulement du Rove à Marseille qu'il peut bien s'attaquer à cette imprenable forteresse !

 

Cochrane vs Cthulhu

Pénélope était du voyage - Annie Van de Wielde

"Pénélope était du voyage" est un ouvrage passionnant à l'image du couple Annie Van de wiele et Louis, son mari. Ils se sont rencontrés à l'université de Gand, étudiant l'art et l'archéologie. Louis se voulait marin et aventurier, elle le suivra avec passion dans de nombreux voyages.

 

Dans le périple dont il s'agit elle nous fait partager dans une apparente simplicité,  son regard d'ethnologue polyglotte, souvent tendre, parfois caustique et même grinçant et avec le point de vue souvent bien ancré  du monde de cette époque .  Pénélope était du voyage fut un très grand succès de librairie mais également le livre de chevet des jeunes navigateurs, parce qu'il accompagnait leur passion des mers, mais aussi parce qu'il renferme de précieuses et précises instructions nautiques.

 

Partie d'Ostende en le 7 juillet 1951 sur le voilier Omoo, Annie Van de Wielde disait qu'il "faut bien plus de courage pour se résigner à la vie monotone de tout le monde" que de partir à l'aventure. Un périple très bien préparé qui va faire d'elle  la première européenne a avoir fait le tour du monde sur un petit voilier. Et son amour de la mer la suivra jusqu'à ses 87 ans, toujours en contact avec le monde maririme et ses amis de la mer : Abel Picard, Bernard Moitessier, Loïc Fougeron, Marcel Bardiaux, Willy de Roos.

 

Annie Van de Wielde est une écrivaine de talent. "Pénélope était du voyage" est une véritable oeuvre littéraire, une épopée maritime qui se lit avec un plaisir qui tient le cap.

 

https://journals.openedition.org/textyles/2551

Se procurer l'ouvrage

 

Les flibustiers de la mer chimique

Marguerite Imbert est un belle plume. Après avoir placé un premier ouvrage au coeur de la lutte de Notre Dame des Landes, (Qu’allons-nous faire de ces jours qui s’annoncent ? Albin Michel, 2021) elle effectue un saut dans le temps et change de terrain pour nous emporter sur les océans. Mais pas de bleu idyllique : une catastrophe soudaine a fait basculer le monde et les mers sont devenues inhospitalières. C'est pourtant sur cet élément que se lancent nos héros porteurs des derniers lambeaux de la civilisation jusqu'à leur rencontre avec les modernes pirates d'une mystérieuse organisation.

 

Ce roman mérite bien le Grand prix de l'imaginaire 2023. Celui-ci a succédé en 1992 à celui de la Science Fiction, mais c'est bien dans ce dernier type de littérature que Marguerite Imbert entre brillamment.

Le brûle gueule d'Ernest Capendu

Quel talent et quel livre ! ll vous tient en haleine du début jusqu'à la fin. Ernest Capendu est un spécialiste du roman historique et il nous plonge là dans les détails d'une époque et de la vie d'un navire corsaire. Ses romans maritimes sont renommés. Ses thèmes favoris portèrent sur les guerres de Vendée et la chouannerie ainsi que sur la période historique du Premier Empire. Et c'est la cas pour cet ouvrage incontournable aux amateurs de marine.

 

en 1826 à Paris, décédé en 1868 ce voyageur n'est pas un marin. Et pourtant son talent est de nous le faire croire. Son style est tout à fait moderne et sa lecture un florilège de vocabulaires de la mer.

 

D'abord intitulé "Le Chat du bord", le récit parait dans Le Journal pour tous en 1862-63. D'abord feuilleton, ce roman a connu de nombreux titres lors de ces éditions ultérieures, en particulier: La Corvette La Brûle-Gueule et Crochetout le corsaire, Potter, Paris, 1863; Le Chat du bord et Le Capitaine Crochetout, Dentu, Paris ; La Brûle-Gueule, Bleus et Blancs, La Mary-Morgan et Vœu de haine chez Degorce-Cadot dans les années 1880. Les trois premiers titres sont parmi les rares encore publiés de nos jours, par les éditions Grand West. Lisez le dans sa formule actuelle. Un délice marin...

 

Jean-Marie Quiesse

octobre 2023

Sur les chemins de l'histoire - Le grand voyage du Pount

Ce récit d'une impossible épopée marine se lit comme un roman passionnant. "cette réussite me laisse croire que la puissance de création qui peuplent l'irrationnel de la vie peuvent s'émouvoir de manière parfois incompréhensible, mais toujours intelligente pour nous guider vers la matérialisation de nos idées", dit le narrateur. André et Andy ont en effet voyagé sur les chemins de l'histoire. 

 

En l'an 500 avant notre ère, Hérodote raconte que le pharaon Néchao a envoyé, deux siècles auparavant, un équipage faire le tour de l'Afrique. Longtemps les historiens et spécialistes ont pensé qu'il s'agissait d'une légende. Avec seulement une voile carrée, comment un tel navire aurait-il pu remonter les vents contraires de la côte Saharienne après avoir franchi le cap de Bonne Espérance ?

 

Andy et Nady Gil-Artagnan ont étudié les navires de l'époque, travaillé sur le sujet, publié une thèse, et finalement tenté l'expérience. Ils ont construit eux-mêmes un navire conforme au Pount de l'époque avant de se lancer, en 1988 ,cinq ans plus tard,  sur les mers avec leurs deux enfants et deux équipiers.

 

Le grand voyage du Pount

Du Virgule au Zénith de Caen : Serge Langeois - Ma vie en coulisses

Son destin, dit son co-auteur, Laurent Cauville, l'attendait à Caen, du côté de la Grâce de Dieu, au Virgule que Serge Langeois définit ainsi : "un cabaret dans un grand garage à vélos, très bas de plafond. On y entre à quatre vingt bien tassés." Après Jean-Marie Quiesse et Denis Wetterwald, il en devient le directeur de 1973 à 1977. Et puis, après les "chanson française et variété" du théâtre puis la salle Brassens,  c'est l'aventure du Zénith    qui nous est contée avec beaucoup d'anecdotes passionnantes et passionnées. L'ouvrage nous replonge dans le Caen de  ces années là jusqu'à nos jours.  En plus de trente années,  il en a programmé et reçu des artistes !   Et il les a aimé "pour le rôle qu'ils jouent dans nos vies, le pouvoir qu'ils ont de nous distraire, de nous faire rêver, de nous questionner parfois".   Mais la saga de Serge ne s'arrête pas là puisqu'il programme aujourd'hui des spectacles à domicile dans son "cabaret chanson ambulant". Sa vie, une passion, celle de la chanson !

Jean-Marie Quiesse juin 2023    

 

https://www.fnac.com/a16799815/Laurent-Cauville-Serge-Langeois-ma-vie-en-coulisses                                           

Chantal Millaud - A toi qui aimes la mer

Chantal Millaud et la Mer… Une longue histoire ! Quand on est née à Tahiti et que l’on habite à Palavas, les cartes sont déjà distribuées et d’emblée la couleur annoncée. Bleu, ce recueil sera bleu ! Bleu des mers du Sud, bleu du Golfe du Lion, se marient harmonieusement aux bleus de nos ciels auxquels, parfois, font écho les bleus à l’âme.

 

Mais, ne nous y trompons pas, Chantal Millaud ne fait pas comme à son habitude uniquement assaut de fantaisie et de fraîche poésie aux accents faussement ingénus. La mer de Chantal n’est pas de tout repos et, n’en déplaise à Valéry, elle n’est pas toujours « ce toit tranquille où marchent des colombes » même si des oiseaux… il y en a, aussi ! N’y a-t-il pas fraternité de bateau ivre lorsqu’ « Il s'en va Le bateau noir Espoir à bord ». Pourtant la joie ne la quitte jamais et dans une longue suite de « Ô danse » elle joue à « effleurer des pieds nus ce grand piano de chemin de plage ».

 

On se prend à retrouver les accents et la voix de Sonia Bessa interprétant le piano aquatique de Paul Coudsi. Ici, il y a des sirènes, des oiseaux-plumes, la doub’ de rhum, du vin vieux et l’île de la Grenade. Il y a des icebergs, des pêcheurs, des équipages, capitaine et moussaillone, un navire « Le Théorème » et, quoi de plus naturel, une chanson de Rita Mitsouko. Du Thalassa méditerranéen au Moana (océan) tahitien, du golfe au lagon, il suffit de prendre la vague et répondre au vœu du poète « Homme libre, toujours tu chériras la mer » et voir naître, sereinement, « Au-dessus de ta lèvre la marque de l'ange… » Marc Ely - Préface

 

Chantal Milaud - A toi qui aimes la mer - Poèmes illustrés - Ubik Art Editions - 2023

 

Ecoutez Chantal Millaud dans Kaveinga la route des étoiles des Océaniens

 

L'enfer de la flibuste

On imagine la fébrilité de l’historien et éditeur Frantz Olivié, cofondateur des éditions Anacharsis, le jour où il se retrouva, à la Bibliothèque nationale de France (BNF), face à « une épaisse liasse de deux cent soixante et onze feuillets jaunis, de grand format », comme il décrit, au début du livre, le manuscrit du XVIIe siècle qui forme aujourd’hui le premier chapitre de L’Enfer de la flibuste. Car il y avait là un trésor !

 

Nous ne sommes pas ici dans le roman, mais dans une étude réalisée à partir de récits d'authentiques pirates. Un peu plus aride mais vraiment passionnant !
Nous découvrons le quotidien des marins qui passent leur temps à chercher de l'eau et des vivres, et donc à effectuer des descentes à terre pour attaquer des villages. Dure existence.  Ce sont des durs d'une grande qualité, pour naviguer sur des mers inconnues : sans carte, sans connaître les courants, les ports, les points d'eau et en étant pourchassé. Et le capitaine élu doit maintenir l'entente dans l'équipage malgré les coups durs !

 

L'enfer de la flibuste - Frantz Olivié - Bernard Laprise - Anachasis

Sur terre et sur mer l'Or de Blaise Cendrars

L'or est le premier roman publié en 1925 de l'auteur franco-suisse jusqu'alors connu  par sa poésie. Cendrars  nous brosse ici le tableau d'une aventure unique, celle du Général Johan August SUTER. Cet ouvrage au succès mondial fait entrer son auteur dans l'univers du roman d'aventures.

 

Le vent de l'aventure

En mai 1834, Johan Suter a 31 ans, il habite Bâle et abandonne sa femme et ses quatre enfants. Il franchit la frontière à pied , extorque des voyageurs et un marchand de papier à Paris pour embarquer au Havre sur L'Espérance, pyroscaphe à aubes et à voilures carrées. Le 7 juillet 1834, il arrive au port de New-York, débouche et vide d'un trait une bouteille de vin du Rhin, fait un vœu et entre en courant sur le sol du continent où débarquent tous les naufragés du Vieux monde.

 

Loin vers l'Ouest

Pendant deux ans, il exerce toutes sortes de petits métiers mais, irrésistiblement attiré par l'Ouest, il se rend à Saint-Louis. Patiemment, il lie conversation avec tous les aventuriers ou marchands qui reviennent de l'Ouest. Et les informations qu'il reçoit concordent : il existe des terres mystérieuses, fertiles, opulentes. A Santa Fé, chez les Indiens, il apprend l'existence d'un "autre pays s'étendant encore beaucoup plus loin à l'Ouest, bien au-delà des montagnes rocheuses, au-delà des vastes déserts de sable". Ce pays, c'est la Californie.

 

Trafic humain

Alors il suit la piste sur la rive droite du Missouri et celle du Nebraska, il franchit les montagnes Rocheuses jusqu'à l'embouchure de l'Oregon. Mais l'accès par terre est impossible car les Apaches massacrent tous les voyageurs. La seule voie étant la mer, il embarque sur le Columbia, un trois mâts barque qui appareille pour les îles Sandwich le 8 novembre 1838 . Toutes les voiles sont hissées, et malgré plusieurs avaries, le bateau arrive en mars 1839 à Honolulu, où il a l'idée de se procurer des travailleurs en faisant la traite des populations canaques des îles. Pour cela, il fonde une société, Suter's Pacific Trate C° et embarque toute cette cargaison humaine sur une goélette russe qui met le cap sur Sitka, en Alaska d'où il repart sur une autre goélette en direction du sud et longe les côtes de l'Oregon jusqu'à la plage perdue de San Francisco.

 

Vers la fortune

En 1839, la Californie est une province de la République de Mexico, mais le pays est à peine exploré et Suter obtient facilement d'importantes concessions. Avec les esclaves canaques et la poignée d'aventuriers blancs qu'il a recrutés, il édifie un immense domaine, "La Nouvelle Helvétie" où les moissons et l'élevage rapportent beaucoup. Manoeuvrant habilement entre les intérêts du Mexique et ceux des Etats-Unis, luttant avec sa petite armée contre les tribus indiennes, il devient le propriétaire de terres immenses, aux revenus fabuleux. Il est comme le roi incontesté d'un véritable petit état.

 

Fièvre de l'or et ruine brutale

Mais en janvier 1848, le coup de pioche de Marshall, le charpentier, provoque la découverte de gisements d'or sur ses terres. La nouvelle de « L'Eldorado » se répand très rapidement.

 

Depuis New-York, des dizaines de milliers d'hommes s'embarquent, ils contournent le Cap Horn, et ils remontent jusqu'en Californie après 17.000 miles et 150 jours de mer. Nombreux aussi sont ceux qui traversent l'isthme malsain de Panama. Atteints par la fièvre de l'Or, ils arrivent en Californie et envahissent la "Nouvelle Helvétie" armés de pelles et de pioches. Les champs et les troupeaux abandonnés par les gens de Suter sont dévastés ou égorgés. Suter est ruiné. Pourtant, il détient des titres de propriété délivrés par le gouvernement mexicain et, si ces titres étaient reconnus, Suter serait à la fois propriétaire des plus riches gisements d'or et des terrains sur lesquels s'édifient en quelques années des villes immenses, telle San Francisco.

 

La déchéance

Malheureusement pour lui, la Californie est rattachée aux Etats-Unis et de nouveaux arrivants exhibent des titres de propriété américains. Sa femme et ses enfants le rejoignent après un voyage épuisant fin 1849. Celle-ci meurt peu de temps après leur arrivée. Il se plonge alors dans la lecture de l'Apocalypse et croit qu'il a été toute sa vie un instrument entre les mains du Tout-Puissant. Il confie la gestion de ses domaines à l'un de ses fils et charge l'aîné de défendre ses intérêts en intentant un procès au gouvernement américain.

 

En 1854, le premier maire de San Francisco organise une grande fête patriotique pour célébrer l'anniversaire de la fondation de la ville et remet le diplôme de Général au vieux pionnier Suter qui chevauche un grand cheval blanc. Début 1855, la sentence du juge californien lui reconnaît la propriété des territoires et villages de la Nouvelle Helvétie. Ceci provoque une grande colère dans toute la Californie, ses derniers domaines sont ravagés, les pièces du dossier brûlées.

 

Alors Suter perd son énergie et se transforme en "loque humaine" et durant 30 ans, avocats et escrocs vont exploiter son désespoir. Réduit à une grande misère, Suter meurt à 77 ans lorsqu'en guise de plaisanterie, un gamin lui annonce qu'il a gagné son procès auprès du tribunal fédéral.

 

 Dominique Lerbour - février 2023

 

Ella Maillart la vagabonde des mers

« J’appartiens à l'univers des mouettes piaillardes, cet univers où partout semblent gouverner l’eau et le vent… »

 

On connait surtout Ella Maillart pour ses reportages dans de nombreux pays du monde. Ses amis la surnommaient la "femme globe". Elle aimait le voyage pour lui-même et surtout pour rencontrer les autres. Mais cette grande sportive voyageuse était aussi une amoureuse de la mer. Elle navigue d'abord sur la Perlette avec son amie Miette. Les deux femmes se lient avec Alain Gerbaud qui dira d'elles:

 

 

"À côté de mon Firecrest, se trouve Perlette, un petit bateau de sept mètres de long appartenant à deux jeunes filles qui en constituent tout l’équipage. Leur audace est très admirée de tous les pêcheurs et les flâneurs le long du quai s’attardent à les contempler, grimpant pieds nus dans la mâture" (1)

 

Voyager libre et comme les hommes

 

Sa première grande croisière s'effectue entre copines sur la Bonita (2), un cotre de onze mètres,  en mer Egée (1923). Elle et ses amies voyagent comme des hommes et revendiquent leur liberté. Elles vont marquer les esprits dont celui du commandant Georges Hébert. Cet  inventeur de la méthode de gymnastique naturelle qui propose des exercices que peuvent pratiquer à égalité femmes et hommes achètera  l'Alcyon, goelette à trois mâts, pour y former des équipages de jeunes filles. Ella Maillart trouble les usages des rapports sociaux et de la division entre le masculin et le féminin. D'ailleurs, elle fume la pipe !

 

Beauté et intelligence

 

 Née 39 ans après Alexandra David Neel,  Ella Maillard aimait farouchement le ski encore dans son époque héroïque. Certes elle devint championne de voile sur les lacs, mais rien ne semblait la destiner à vivre le quotidien des marins. Et pourtant, son récit maritime, « la vagabonde des mers » est un magnifique ouvrage très moderne, empli d’enthousiasme, d'émotion  et d’anecdotes. C’est l’expression d’un amour éclatant pour les bateaux « qui donnent leur raison d’être aux flots mouvants ». L'auteure fut la première femme à disputer les jeux Olympiques en épreuves de yachting, à Paris en 1924.

 

Elle ne se sentait pas à l’aise dans son pays, la Suisse. « L’Europe était complètement folle dans les années 1930… excepté quand j’étais en mer ou quand je faisais du ski, je me sentais perdue, je ne vivais qu’à moitié. » L’Europe sortait à peine du traumatisme de la Grande guerre et ce sentiment était partagé, notamment par d’autres aventuriers comme celui qui deviendra son ami, Alain Gerbault.  Alors elle a cherché ailleurs, en naviguant sur le Lac puis en mer. « Cette vie, dit-elle, me plaisait sur le plan physique et de la beauté et de l’intelligence».

 

Jean-Marie Quiesse

octobre 2022

 

1. A. Gerbault, Seul à travers l’Atlantique (1924), Paris, Grasset et Fasquelle, 1991

2.

Le Roi Rose - Mac-Orlan - David B.

Encore un album me direz-vous ! Mais c'est d'abord une histoire de Pierre Mac-Orlan fort audacieusement reprise par le dessinateur David B. Audacieusement car c'est un véritable défi que de mettre en images une si belle histoire, peut être la plus tendre de Mac-Orlan, lui qui savait si bien les suggérer !

 

Une magnifique réussite artistique de David B., Pierre-François Beauchard qui nous fait revivre l'aventure de ce bébé recueilli et élevé par des pirates maudits...Mais chut ! Je ne vous en dirai pas plus.

 

Gallimard Fétiches - 2009 - A partir de 5 ans.

Errance en Mer Rouge - Sur les traces de Monfreid

"N'ayez jamais peur de la vie, n'ayez jamais peur de l'aventure, faites confiance au hasard, à la chance, àla destinée" disait Henry de Monfreid.

 

Voici un album magiquement illustré par Joël Allessandra, également auteur du scénario. Un bel hommage  à Henry de Monfreid (dont le petit fils préface l'ouvrage), personnage omniprésent à travers les pages où le lecteur navigue sur  le légendaire Fath El Rahman.

 

Le récit s'appuie sur des faits réels en ce qui concerne l'intense piraterie qui règne en ces lieux. Même si les boutres sont motorisés, même si la Kalatchnikov a remplacé le fusil Gras, l'époque des Secrets de la Mer Rouge est toujours l'aventure quotidienne des marins et des marchands. Et Tom, le professeur fraîchement débarqué, se laisse convaincre d’accompagner Fred, trafiquant à ses heures, dans l’une de ses sorties pas vraiment légales en mer...

 

Il s'agit d' un voyage mouvementé dans cette corne de l'Afrique, toujours d'actualité parce qu'endroit stratégique de passage des 14 000 navires  qui transitent chaque année par le canal de Suez.

 

Le bordel des mers

On connait en France l’aventure des Filles de Louis XIV, ces « filles à marier » dotées par le Roi et expédiées en Nouvelle France pour rétablir un déficit démographique vis-à-vis d’un grand nombre d’hommes de colons et de militaires. Le ministre Colbert aidé par le clergé recrute des jeunes filles catholiques. Ce ne sont pas des prostituées, mais de femmes sévèrement contrôlées. Elles arrivent le 22 septembre au Québec et les années qui suivront verront de nombreux mariages. 770 au total donneront naissance à des milliers d’enfants, origine de la population du Canada actuel.

 

 

Côté Britannique une politique identique se met en place, mais très différemment. À Botany Bay (Australie), il est prévu de mener une sorte d’expérimentation sociale en créant une colonie avec ce qui est tenu pour la lie de la société britannique. Les représentants des « classes criminelles » seront là isolés et destinées à devenir, contre leur gré, les pionniers de l’Empire.

 

 

La traite des femmes

 

Si l’esclavage concerne tous les sexes, l’aventure du vaisseau Lady Julian révélée en 2005 par Siân Rees met en lumière un commerce qui touche plus spécifiquement les femmes. Après la défaite coloniale d’Amérique rentrent en Angleterre de très nombreuses personnes. Pour leur permettre de s’intégrer, on leur réserve la priorité de l’emploi. La plupart des femmes sont alors sans travail et contraintes à la mendicité, à la prostitution et au vol pour survivre.

 

 

Old Bailey n’est pas tendre, mais les prisons sont pleines.  Pour une simple peccadille, la moindre servante est condamnée soit à la mort soit à la transportation. Idem pour une jeune bourgeoise comme Mary Rose qui s’enfuit de chez elle pour un officier et se retrouve accusée de vol par la tenancière d’un hôtel de passe : direction un bagne colonial.  « Ah pleurez donc sur moi, la pauvre condamnée, voilà que l’on m’emmène vers Botany Bay » lit-on dans un petit feuilleton de l’époque. Il s’agit de femmes britanniques considérées comme « les membres d’une société libre. Mais leur condition se rapproche de l’esclavage.

 

Les transportées ne sont pas condamnées à perpétuité, mais on sait bien qu’elles ne pourront jamais payer leur billet de retour depuis cette « Nouvelle Hollande » qui deviendra l’Australie. Botany Bay prendra le nom de Sydney en hommage au sinistre Lord du même nom, ministre de l’Intérieur et des colonies. Entre une exécution par le bûcher comme celle de Margaret Sullivan et la déportation, le choix est vite fait. À bord on les débarrasse de leurs fers et leurs conditions de traitement seront meilleures que celles vécues jusqu’alors dans les faubourgs de Londres.

 

 

Le bordel des mers

 

Les trente membres de l’équipage ont le droit de choisir leur concubine parmi les deux cent quarante prisonnières dont la majorité est encore dans l’adolescence. Elles bénéficient de privilèges, par exemple sur les prises de pêche effectuées par leurs compagnons.  

 

 Mais, la nuit, l’alcool aidant, on assiste à un trafic effréné entre les ponts. Il a été prévu de la layette pour soixante bébés. Dans les ports on n’amène pas les prostituées sur le navire, ce sont des marins qui viennent trouver les femmes. De connivence avec l’équipage, les mères maquerelles embarquées renouent avec leurs compétences, car il est important d’entasser un pécule pour demain.

 

Les bateaux négriers qui escortent la Lady Julian « pour l’amour de ces dames » ralentissent la course. Le scorbut, l’extrême chaleur puis les glaces de l’hiver austral accompagnent tout ce petit monde qui parviendra pourtant à atteindre, d’escale en escale la terre promise de Port Jackson un vendredi 11 juin 1790 après 307 jours de navigation.  

 

Jean-Marie Quiesse - février 2022

 

Ecouter le mardi 25 janvier 2022 : Bordel de mer - Les filles du roy - Les femmes de Botany Bay

 

Le Bordel des mers, Siân Rees – Payot, 2001

https://fr.wikipedia.org/wiki/Filles_du_Roy

Gustave de la Landelle - Sans peur le corsaire

Voici le plus grand auteur de roman maritime du XIXème siècle, de son vrai prénom Guillaume Joseph. On le connait pour sa publication Le Gaillard d’avant, chansons maritimes mais aussi Le Langage des marins .

Parmi les quatre vingt-dix ouvrages de ce capitaine de frégate, je retiens ici Sans peur le Corsaire. Il s'agit d'un roman particulièrement bien troussé, empli d'atmosphères maritimes et de combats navals. Parfois d'un romantisme un peu désuet mais si tendre, son écriture n'a pas pris une ride et les vocabulaires du cru sont un vrai régal. A consommer sans modération.

De la Landelle fut également un précurseur de l'aviation, mot qu'il aurait d'ailleurs inventé.

 

Sans peur le corsaire - Roman maritime - Editions Maritimes et d'Outre-Mer

De la Landelle - Biographie

Ecume de Patrick K. Dewdney

 

 

Il est jeune, mais déjà un auteur connu, de ceux qui aiment « parler avec de l’air du temps et propager ses idées » avec un style littéraire et politique unique qui jette des réalités à la figure comme des paquets de mer.

 

 

Entre roman noir au low fantasy, Dewney est aussi poète et développe un grand imaginaire. On connaît bien aujourd’hui le cycle de Syffe, mais je souhaite ici évoquer d’Écume paru en 2017.

 

Disons le tout net, Écume est un fabuleux récit qui, pour moi,  entre dans ce que la littérature maritime comporte de meilleur. Les propos sur la mer sont une forme de contre magie qui va à l’encontre des images courantes. L’auteur filtre le quotidien à partir des émotions, des sentiments et des points de vue de ses personnages. Il ne se contente pas de décrire, mais nous fait vraiment voir à travers les yeux de ses héros la vie en Atlantique, l’ordinaire de certains pêcheurs et les terribles trafics humains : un monde que nous côtoyons sans toujours le regarder.

 

« Je dépeins la violence de manière réaliste » dit Dewey.  Celle-ci fait partie de l’univers, mais en faire un sujet épique, l’habiller autrement, nous la confisque. Elle est donc très présente dans ce récit dont l’alchimie  permet de dégager grandeur et beauté.

 

Ce faisant et sans en avoir l’air, Patrick K.Dewey touche aux mythes tout en secouant les idées de bien et de mal. Ses personnages, créatures du bas de l’échelle sociale vivent et surtout survivent sans se poser beaucoup de questions, au gré de leur fortune. La mise en morale appartient au seul lecteur.

 

Patrick K.Dewdney - Ecume - Manufacture du livre, 2017

Interview de l'auteur

Les aventures maritimes de Théodore Poussin

Franck Le Gall, créateur de bandes dessinées chez Spirou, est né à Rouen. Mais son héros, Théodore Poussin jeune navigateur aventurier, est, lui, originaire de Dunkerque. Son crâne presque chauve et ses lunettes rondes sont en effet à l’image du grand-père de l’auteur, qui dit s’inspirer du journal de voyage de ce marin dunkerquois.

 

La nostalgie et l’émotion dunkerquoise

Franck Le Gall fait naître Théodore Poussin en 1902, rue des sœurs Blanches. Son enfance est bercée par le son des sirènes des navires et, lorsque le vent est favorable, les clameurs des marins qui semblent lui porter des nouvelles de son père capitaine de grands voiliers. Puis la vie continue dans ce qui était à l’époque le hameau de Rosendaël, période magnifiquement aquarellée dans l’album la Vallée des roses, entre les aventures au grenier, l’école Saint-Joseph, la procession de saint Martin, le cirque de la place Jean Bart et la foire d’hiver. On y fait la connaissance de la grande sœur Camille et de l’ami fidèle, Clacquin. L’été heureux se passe à Malo les bains et sur la plage de Bray les Dunes. Mais un mystère plane sur ce petit monde paisible, celui d’un oncle émigré en Asie, que l’on retrouvera plus tard sous le nom de Steene.

 

Théodore Poussin, le marin

Fils de capitaine, Théodore sera... capitaine ! Mais le père décède et le jeune homme arrête ses études pour travailler dans une compagnie maritime, enfermé dans un bureau. Les sirènes qui ont bercé toute son enfance ainsi que les noms comme Dakar, Buenos Aires, Shanghaï... achèvent de l’attirer vers ce bleu pacifique. Son premier départ est fixé au 2 janvier 1928 sur le Cap Padaran des Chargeurs, clin d’œil à la compagnie aux étoiles, sur les traces du fameux capitaine Steene, il ne reviendra qu’en 1931 après de palpitantes et dangereuses péripéties en cette Asie du début du siècle, qui vont faire de lui un héros du monde de la mer.

 

Une aventure littéraire en images

Théodore est un aventurier, quelqu’un attiré par le grand large et le mystère. Le chiffre 13 est très présent dans ses histoires. D’ailleurs le dernier album de la saga porte le numéro 13 ! Poussin possède un regard personnel sur la dureté des temps et des gens dans cette époque où le bateau est le seul moyen de partir très loin sur le globe. On meurt beaucoup et notre héros se bat pour sa survie dans un monde colonial oriental doux-amer, plein de sel marin et d’exotisme.

 

S’il utilise le langage classique de la bande dessinée, les propos de Le Gall sont, originaux détonnant parfois en évoquant des sujets politiques et sociaux. Et pourtant chaque album est un délicieux moment d’atmosphère maritime et de poésie, truffé de références littéraires. On y croise Conrad, Dickens, Kipling, Melville, Mac Orlan, Steinbeck et surtout Baudelaire le grand inspirateur :

 

Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes/L’univers est égal à son vaste appétit/Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !/Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, /Le cœur gros de rancune et de désirs amers, /Et nous allons, suivant le rythme de la lame, /Berçant notre infini sur le fini des mers [...] Amer savoir, celui qu’on tire du voyage ! Le monde, monotone et petit, aujourd’hui, /Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image : Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !

 

Jean-Marie Quiesse – Mai 2021

https://www.bedetheque.com/serie-244-BD-Theodore-Poussin.html

Pierre Schoendoerffer - Le Crabe-Tambour

 

Pierre Schoendoerffer,  tout jeune inscrit maritime navigue quelque temps à la pêche. Avec le Service cinématographique des armées, il part couvrir la guerre d’Indochine et notamment la bataille de Ðiện Biên Phủ où il est fait prisonnier. Libéré il reste en Asie avant de boucler un tour du monde par l’Est. À Hong Kong il rencontre Kessel qui lui confiera  plusieurs films .Il revient pour le conflit du Viet Nam du côté américain et tournera  jusqu’en 1992 avec "Diên Biên Phu", réalisé dans le pays.  Il collectionnera les prix pour le cinéma, mais aussi dans le domaine littéraire. Il écrit son premier roman en 1969 et en 1976 c’est le fameux « Crabe-Tambour » dans lequel je vous propose de vous immerger.

 

Le Crabe Tambour est ce curieux décapode à carapace rouge qui se frappe la poitrine comme Tarzan et parfois tambourine le sol. Ici,  c’est le surnom de Willdorff, un officier de marine que l'on découvre en Indochine, assis dans un antique fauteuil de mandarin boulonné sur le toit de sa barge de débarquement. Il a réellement existé : « C’était un de ces capitaines légendaires ! Donc on a fait connaissance, et l’on s’est pris de sympathie». Deux histoires se mêlent en « flash-back », cette guerre coloniale avec la vie à bord d’un aviso de la marine nationale croisant sur les bancs de Terre-Neuve pour l’assistance aux flottilles de pêche. Le narrateur est le médeci , lui-même ancien d’Indochine. Plus tard l’auteur déclarera ; « j’ai dédié mon roman à mon fils cadet, Ludovic, parce qu’enfant, il avait un petit ventre rond sur lequel il tambourinait, et comme il marchait à quatre pattes et de travers, je l’appelais le crabe. D’où le Crabe-Tambour… »

 

 

Je n’en dirai pas plus sur ce chef-d’œuvre de littérature maritime où l’on est « porté de chapitre en escale par la rumeur des vagues ». Un non moins célèbre long métrage a été réalisé par Jacques Perrin avec Pierre Rich, Jean Rochefort et Jacques Dufilho, Odile Versois. De superbes images du Jauréguiberry , véritable escorteur d’escadre, "le nez dans la plume" seront filmées en mer d'Iroise. Outre l'appareillage tourné à Lorient, de nombreuses scènes le seront sur le grand banc de Terre Neuve.

 

Jean-Marie Quiesse février 2021

 

Présentation du Crabe-Tambour

Catherine Poulain, un grand marin

 

«J’aurais voulu être un bateau que l’on rend à la mer»,

 

  Le Grand marin, c’est un grand livre, celui d’un grand amour. Amour de la mer, des bateaux, du combat, de amour aussi des grands marins et d’un en particulier. C’est aussi l’amour de l’aventure. La vie semble souvent se partager entre le sédentaire terrien qui angoisse à l’idée de partir et le nomade, parfois marin,  qui ne tient pas en place, angoisse à l’idée de rester et rêve de revenir.

 

Lily est de la race des seconds avec ce qu’il y a d’animal dans ce désir de courir, bouger et chasser l’essentiel qui se résume souvent à calculer, régler sa voilure ou le mouvement du chalut, bref travailler à la réalisation de son rêve. Parce qu’aimer c’est partir comme le dit Cendrars, Catherine Poulain est une éternelle partante à la pêche aux faits bruts de l’existence. Elle ne se pose jamais la question du pourquoi partir. Elle est comme les chiens de traineau du Grand Nord qui, dit Paul Veyne, « tirent parce qu’ils trouvent ça intéressant… »

 

Catherine Poulain quitte Manosque à 20 ans, poussée par un «besoin de partir urgent et nécessaire».  Elle ne veut mourir ni d’ennui ni de malheur. Elle dit : « On nous répétait que les garçons avaient le droit de faire des choses que les filles n’avaient pas le droit de faire. J’ai décidé très tôt qu’on ne m’imposerait pas ces contraintes ». Elle trie les poissons dans une conserverie islandaise, ramasse des pommes au Canada, travaille comme barmaid à Hong-kong. Et puis, pendant dix ans, c'est la pêche en Alaska, « the last frontier ».

 

Portée par le vers de l’Emigrant d’Apollinaire «Mon avion partira demain pour l’Alaska et je ne reviendrai jamais.», elle embarque, sans papiers et sans rien connaître du métier, sur le «Rebel» pour la pêche à la morue noire, au flétan ou au saumon. "Trois semaines après mon arrivée, il n’y avait plus que Kodiak. L’île, le port, le bateau pour lequel je travaillais. Le reste avait cessé d’exister". Ses compagnons de haute mer l’appellent «Lili», «le Moineau» ou «la petite Française». Être acceptée par tous ces hommes n’a pas été facile, mais cela s’est fait : «En Alaska, les hommes, c’est mes frères», dit-elle. Je voulais être adoptée par un bateau.

 

Elle aime  l’air salé, tirer les lourds casiers de crustacés et particulièrement  étriper les grands poissons,  tâche qu’elle qualifie de «corps-à-corps avec les gisants». À bord, elle manque perdre une main, se casse deux côtes, s’abîme une jambe, perd une phalange. Mais elle ne renonce jamais.

 

«  Je me suis servi de ma propre vie...Je voulais parler des grands marins qui courent la mer, qui courent les bars… C’est un grand jeu où ils peuvent mourir". Catherine Poulain, elle aussi, va s’exiler et courir les mers pour participer au jeu. "Être une petite femelle, dit-elle,  c’est pas pour moi. Je veux qu’on me laisse courir". Elle aime être perdue parce que c’est là que la quête commence, celle de l’immédiat et sans filet.  La pêche est un combat du corps qui mène à une découverte du monde réel et l’occasion de rencontrer des personnages très différents de soi.

 

Cette aventure dure jusqu’en 2003. Durant ses quarts, malgré les doigts gourds, elle noircit ses petits cahiers. "Ça me faisait du bien, j’aime les mots. C’est une liberté". Catherine Poulain retourne à Manosque où elle s’installe pour élever des moutons et écrire. Sait-elle qu’Ulysse, fils de Sisyphe,  comme la plupart des marins, reviendra lui aussi à Pénélope et le monde agricole ? Publié en 2016 le "Grand marin" obtient 12 prix littéraires. Catherine Poulain et ses phrases courtes nous font déambuler dans le port de Kodiak et ses bistrots que l’on repeint en rouge.  On respire, on sent le sel et les embruns, et sans cesse on est « entre ciel et mer comme entre deux bras. »  

 

Jean-Marie Quiesse novembre 2020

 

Ecouter la rubrique : Mardi 17 novembre 2020 : Catherine Poulain grande femme de la mer

 

Le grand marin, roman de Catherine Poulain, Éditions de l’Olivier, 384 p., 19 €.

 

Les corsaires du roi par Albert t'Serstevens

T'Serstevens  a écrit cet ouvrage attachant et inoubliable qu'il faut absolument lire, "Les corsaires du roi". Une douzaine de courtes histoires d'abordage, de tempêtes, d'îles désertes, de coquins et de sequins, de femmes, de guildive, de tafia ou de rhum et bien sur de trésors perdus ou retrouvés. Il y disait  "Je ne pense pas qu’il y ait de vie plus noble que celle, mobile et hasardeuse, d’un navire au large".

 

 

 

Il est vrai qu'il a vécu lui même comme un navire, toujours au large et refusant les honneurs. "A I'entrée de son cabinet de travail, un trois-mats suspendu au plafond arrête Ic regard ». Quel personnage attachant que t'Serstevens ! "Raconteur d'histoires et contrebandier des lettres". Né Belge il passera sa vie en France et à bourlinguer à l'image de son très grand ami Blaise Cendrars (L'homme que fut Blaise Cendrars).  Italie, Espagne, Portugal, Équateur, Colombie, Yougoslavie, États-Unis, Chili, Mexique, îles Éoliennes, Balkans, Turquie etc. À chacune de ces pérégrinations, la littérature française s'enrichit de récits : Le Vagabond sentimental (1923) ; L'Itinéraire espagnol (1933) L'Itinéraire portugais (1940) ; Mexique, pays à trois étages (1955). il fréquentera les plus grands écrivains de son époque dont Pierre Mac Orlan et le cinéaste Abel Gance.

 

C'est que t'Serstevens aimait les voyages mais aussi les livres dont il possédait six mille exemplaires dans son appartement de l'îile saint Louis. Il aimait aussi la mer et les îles. C'est lui qui republiera le Voyage aux îsles d'Amérique de Jean Baptiste Labat "moine aventureux, savant naturaliste, ingénieur civil et militaire, aumônier de la flibuste, convertisseur énergique, administrateur à poigne, débrouillard et brouillon".

 

"t'Serstevens appartient à cette génération d'écrivains de l'aventure et du voyage (Édouard Peisson, Luc Durtain, Henry de Monfreid, Blaise Cendrars) qui selon sa propre définition allaient « les mains dans les poches regarder les femmes dans les ports, les navires, les matelots, les marchandises du monde entier et la mer qui les porte, fiers d'être des hommes libres au sein du vaste monde ".( Paul MORELLE)

 

Ce grand écrivain nous a laissé une soixantaine d'ouvrages. Il va se marier le 4 février 1947 à Tahiti avec la très jeune Amandine Doré et va y vivre trois années , au retour desquelles il écrit les trois volumes de Tahiti et sa couronne (1950). Sa passion pour les grands aventuriers et la flibuste lui inspire également des romans comme  L'Or du Cristobal (1936), Ceux de la mer (1937) et Les Corsaires du roi (1930).

 

La mer a, dans la vie et l'oeuvre de t'Serstevens, une importance considerable. Au bout de chacun de ses nombreux voyages, il la retrouve, guide par une sorte d'instinct, et en dit les splendeurs : calanques balancées au gré des courtes vagues de l'Adriatique, couchers de soleil, lies. rochers cótes lumineuses, exaltations dyonisiaques de la Méditerranée. éblouissement et phosphorescence des mers équatoriales, attirance des iles de l'Océanie oü les courriers ne vont pas et qu'il faut atteindre — comme il la fait — sur des goélettes de nacriers. Entre autres romans oü le personnage principal est la mer, Albert t'Serstevens a écrit une histoire boucanière : « Les Corsaires du Roi », que nous devons considérer comme un classique de notre littérature maritime.(LeS ECRIVAINS BELGES ET LA MER. Par Joseph DELMELL.E). 

 

Jean-Marie Quiesse 10 10 2020


Les récits maritimes de l’étrange Jean Ray le Gantois

 

Étrange et mystérieux personnage que fut Jean-Ray. À l’image de son œuvre inquiétante emplie d’histoires de mer, de tempêtes et de marins. Chez lui, océan et fantastique  font bon ménage. Comme dit un de ses héros « là où le marin perd son latin, le sorcier peut-être de bon conseil ». Sorcier, il le fut, mais marin ?  Certes il est d’une famille de navigateurs. Son grand-père était charpentier à bord des voiliers  et son père  embarqué.

 

 

Malpertuis et les dieux captifs

 

Raymond Jean Marie de Kremer est né le 8 juillet 1887 au 86 de la rue du Ham, Gand,  à  8 heures du matin dans une grande maison proche du port où « l’appel des sirènes se marie avec les immenses résonnances des sous-sols ».  On retrouvera cette maison « hantée par les rats » dans son roman Malpertuis. Mais il n’y a pas que des rats ! C’est en effet là que les anciens dieux de l’Olympe ramenés d’une île lointaine avec leur trésor par le capitaine Anselme Grandshire occupent les lieux sous l’aspect de bourgeois ordinaires et pourtant toujours dotés de pouvoirs divins, hantés par leur déité.

 

À Malpertuis, l’inconcevable se terre sur fond de lutte amoureuse entre déesses. Mais  c’est chaque soir un festin préparé par Élodie : filet de porto à la purée de noisette ou du riz au rhum et à la crème.  On boit bien et on mange beaucoup chez Jean Ray. Les tavernes de marin enfumées et sombres où parfois « un jazz-band joue des airs meurtriers » sont nombreuses, du bar de Jarvis de la Croisière des ombres au Chinois rusé en passant par La Belle guinguette sans oublier le fameux dancing flottant de la Rum Row, le Mermaid où l’on baptisa une nuit de fête un nouveau-né au whisky.

 

La légende de Tiger Jack

 

Jean Ray fut-il marin ? Certes dès l’âge de 8 ans il traverse le Channel sur le Seagull pour découvrir Londres dont il restera amoureux toute sa vie. Mais encore ? À 15 ans, nous dit-il,  il s’embarque pour plusieurs voyages : deux grands voiliers puis  le Fulmar , un « tramp » qui traficote dans les mers de Chine. Dans la nouvelle qui parle de « l’oncle Timotheus », il nous dit «  vingt années de flibuste sur les sept mers avaient fait un nabab du pouilleux sale que je fus ». Il n’a sans doute pas navigué 20 ans, mais il y aurait gagné le surnom de « Tiger Jack ».

 

 De Kremer produit des chansons, des poèmes, des pièces de théâtre, en flamand comme en français. Il épouse une actrice de Music Hall en 1912. En 1919 il devient écrivain à part entière avec des publications  sous le pseudonyme de Jean Ray. Mais voici 1920 et la prohibition en Amérique. Son emploi du temps est alors parsemé de vides particulièrement en 1924. Il aurait acquis en copropriété d’abord une goélette,  l’Artic, puis, avec  le Polar, croisant entre l’Amérique et les Antilles. Cargaisons d’alcools ? On le dit aussi propriétaire de la Gertrude qui fait le trafic sur la Rum Row. C’est d’ailleurs cette année-là qu’il publie les « Contes du whisky » où il nous fait vivre très concrètement l’ambiance de cette période. Il parlera souvent avec nostalgie de ses anciens « compagnons de la houle ». Vrai ? Ce qui l’est c’est qu’il subit en 1927  un procès largement médiatisé et passe quelques années en prison.

 

Le succès international

 

De retour à Gand il est ostracisé par les milieux bourgeois avec lesquels  par la suite il réglera ses comptes dans ses écrits. Son roman « Rum Row » ne paraîtra pas.  Il édite alors  sous le pseudonyme de John Flander. Apparemment il rembarquerait en 1932. Ce qui est certain que dans cette époque il devient « grand reporter » au journal « Bien public ». Et c’est en 1933 qu’iI reprend son nom de Jean Ray pour publier les fameuses aventures de Harry Dickson, la première étant l’Ermite du marais du diable. Des dizaines suivront. En 1943 Malpertuis est un succès. Ce sera, auprès de Lovecraft et Bradbury,  un des premiers livres  chez Denoël dans la collection présence du Futur, en 1955.  De 1948 à 55, il collabore avec Tintin pour quarante nouvelles sur le thème de la mer. Films et bandes dessinées se succèdent ainsi que beaucoup de tirages outre Atlantique.  Il se lie d’une grande amitié avec Henri Vernes, Alain Resnais, Claude Seignolle, Mathé Altéry.

 

Jean Ray nous embarque

 

Son œuvre est émaillée de noms de navires d’îles et de ports. Les Tasmania, Flora Bushman remontant le fleuve Flinders, le Jerry Stoll , le Einhorn et son assiette de Moustiers gardée par une hydre à trois têtes, la Sion Retrouvée, la Belle Nantaise et son fantôme scié en deux, la May Bug, l’Endymion ce cargo qui défie toute imagination marine, mi-voilier, mi-vapeur, construit en je ne sais quels âges de folie  surnommé « Arrive toujours » et surtout le formidable Psautier de Mayence en route vers un monde d’une autre dimension.

 

Aventurier aux pieds de plomb ou réellement marin ? Le principal c’est qu’il nous mène en bateau, loin, très loin,  comme sur ces  "lougres de rêve" surnom donné par les gens du froid  à ces curieux bateaux venus de Méditerranée à la recherche des îles de diamant, toujours au nord, plus au nord.

 

Jean-Marie Quiesse

06 Mai 2020

Le nègrier - Edouard corbière

Voici un grand sac de plaisirs et d'émotions engrangés à la lecture de cet ouvrage mythique d' Edouard Corbière (le père de Tristan). Brestois, Corbière fut un marin de la flotte impériale puis marchande, journaliste polémiste, homme politique et personnalité du monde maritime. Mais il est surtout un grand écrivain. Le "négrier" nous rappelle un période peu glorieuse du capitalisme marchand et de la marine mais il reste aussi un fabuleux roman d'aventures plein d'anecdotes souvent vraiment vécues.

 

https://www.amazon.fr/s/?ie=UTF8&keywords=edouard+corbi%C3%A8re&tag=hydfrmsn-21&index=digital-text&hvadid=5105641401&hvqmt=e&hvbmt=be&hvdev=c&ref=pd_sl_7r31of3k7o_e

Jean-marie Quiesse

Blaise Cendrars conte : l'étonnant voyage du TPMTR

« Je crois à ce que j’écris, je ne crois pas à ce qui m’entoure et dans quoi je trempe ma plume pour écrire »

 

Le volume des « Histoires vraies » de Blaise Cendrars s’ouvre sur le fabuleux TPMTR. C’est un récit de la mer que Cendrars qualifie de « vrai ». Vrai conte ou histoire vraie ?  

 

"Tu pars mais tu reviendras" était-elle une organisation de marins ? Le magnifique cercueil capitonné de satin bleu avec poignées en argent massif, surchargé de décorations païennes a-t-il existé ? Le voyage de Jules, Désiré, Bienaimé, Auguste Quinquempois, boulanger sur le vapeur Saint Wandrille, est-il un fait avéré ? Bref l’écriture est elle la vérité ?

 

Dans les récits de mer, il est parfois difficile de démêler le vrai du faux, l’exactitude et l’approximation. Surtout lorsque plane le mystère parce que restent inconnus le comment et le pourquoi et que les journaux de bords sont parfois incomplets. Naviguant entre malchance et damnation, les rumeurs qui courent alors sur les docks  réduisent la faible visibilité de tous ces « vrais »  mystères de la mer,  terribles secrets, menaces des grands fonds et confréries discrètes telles celles évoquées du capitaine Haddock dans l’Etoile mystérieuse ou de Achab dans  Moby Dick.

 

Il reste toutefois quelques coïncidences incroyables comme la bouteille du soldat Ross Alexander, mise à l’eau en 1955 au nord de Darwin (Australie) et ramassée par son propriétaire revenu chez lui,  trois années après,  sur la plage de Nouvelle-Zélande où il se promenait. Un voyage maritime de 5000 kilomètres pour retrouver les mains qui l’avaient immergée !  Alors le périple post mortem du boulanger du Saint Wandrille possède-t-il un fond de vérité ?

 

Participant de la construction d’une réalité de la réalité, la littérature fait souvent usage de mystères, coïncidences, destins, mensonges, fausses vérités et mêle  fiction et réalité. Blaise Cendrars, écrivain d’action et bourlingueur,  parlait de « prochronie »[1] à propos de ses Histoires « vraies » où s’abolissent  les frontières entre « la vie, le rêve et l’écriture »[2], tout comme il arrive parfois vraiment en mer. Christophe Colomb ne disait-il pas que « l’art de la navigation incite à connaitre les mystères du monde » ?

 

Le déplacement maritime occupe le cœur de l’œuvre de Blaise Cendrars, grand voyageur. Il joue de son expérience pour déstructurer le temps, l’espace et les identités, afin de reconstituer un univers personnel, des routes singulières, souvent nés d’une association de souvenirs où il apparaît lui-même la plupart du temps pour lui donner plus de crédibilité.  Alors qu'un journaliste lui demandait, à propos de son poème-fleuve, la Prose du Transsibérien, «Mais alors, monsieur Cendrars, ce train, vous l'avez pris ou pas ?», il avait répondu : «Qu'est-ce que ça peut te foutre, si je te l'ai fait prendre ?»[3]

 

Comme les mystères marins, les « Histoires vraies » que conte Blaise Cendrars tiennent « de la galerie des phénomènes et du cabinet de curiosités [4]». Alors, embarquons dans l’univers magique du voyage !

 

Jean-Marie Quiesse -  18 janvier 2020

 


[1] Temps maîtrisé, espace refondé : l’expérience humaine de l’espace selon Blaise Cendrars. - Philippe Gervais-Lambony

2] Une grande prose abécédaire de la vie – Claude Leroy – Histoires vraies Folio 2013

[4] Une grande prose abécédaire de la vie – Claude Leroy – Histoires vraies Folio 2013

 

Blaise Cendrars le bourlingueur

J’ai déjà fait référence à Blaise Cendrars, spécialiste des traversées maritimes.  Ainsi son texte «  À bord du Formose » (Bourlinguer)  évoque les différentes musiques coexistant à bord d’un même vapeur, de la mandoline au piano en passant par les castagnettes et les cantiques.

 

Poète, romancier et reporter, Cendrars fut aussi brillant pianiste et fameux baroudeur.   « Lui et ses poèmes avaient le voyage dans le ventre », nous dit Henri Michaux. Si beaucoup vivent le voyage  en chambre, Blaise Cendrars l’a entrepris de nombreuses fois à bord des paquebots[1]. Il a souvent pris la mer puis transposé sur le papier ses expériences océaniques, traçant le sillage de grands mythes littéraires[2]. « Je vis dans un courant d’air le hublot grand ouvert et le ventilateur ronflant ».[3] C’est avec constance qu’il a bâti son image de baroudeur, attiré comme beaucoup d’intellectuels de son époque par les expériences inédites et lointaines, tout comme Pierre Mac Orlan auquel il avait d’ailleurs suggéré de dresser un « Petit manuel du parfait aventurier ».

 

Proche de Tser, Albert s'Serstevens, voyageur infatigable  et Édouard Peisson, écrivain navigateur, Cendrars a popularisé le terme de « bourlinguer ». S’il n’est pas marin, il se présente toujours comme un voyageur ami des équipages et des bateaux. Lorsqu’il évoque sa première traversée, enfant,  entre Alexandrie et Marseille sur le paquebot « Italia », bercé par les mandolines des matelots, il se rêve déjà en maître du bâtiment : « On ne voyait que moi à bord » écrit-il.  C’est le l’amorce d’une relation permanente entre lui, le « bourlingueur »,  et le navire qui laboure la mer.

 

 Une centaine de noms de bateaux émaillent ses textes, générateurs de création et d’écriture poétique où l’on s’étonne de l’ampleur du lexique maritime. Dans ses récits, rêves et réalités s’amalgament. Naissent alors des histoires auxquelles on croit, comme envoûté.

 

Jean-Marie Quiesse – janvier 2020

 


[1] « Je ne suis pas un homme de cabinet. Jamais je n'ai su résister à l'appel de l'inconnu et je souffre comme un damné de rester enfermé entre quatre murs et de noircir du papier »

[2]  Robert Guyon « Echos du bastingage : les bateaux de Blaise Cendrars » Editions Apogés

[3] Du monde entier au cœur du monde – Feuilles de route - La cabine n°6

 

Rhum Héritage - Pé Labat volé chandelles !

Pé Labat volé chandelles ! Voici une chanson que les petits enfants Antillais entonnaient en faisant voler des ravets sur le dos desquels ils avaient fixés des lumignons.

 

Nous avons déjà évoqué le père Labat en racontant le rhum, ce carburant maritime des siècles passés, au cours de deux rubriques : l’une sur les routes du rhum, fabrique de belles trilogies, mais aussi de héros et de célèbres chansons, la seconde sur les rimes du  rhum si proches du latin d’église. Or les procédés de fabrication du sucre et du rhum sont restés jusqu’au 19èm siècle le « système du père Labat ».

 

L’album Rhum héritage qui vient de sortir chez Robinson me donne l’occasion de présenter Rhum Héritage, un album édité aux éditions Robinson. Cette bande dessinée est la première à évoquer et illustrer le fameux Père Labat, à la fois admiré et pourtant souvent considéré comme une sorte de croquemitaine pour les enfants martiniquais à qui l’on disait lorsqu’ils n’étaient pas sages « Mi ! moins Ké faï Pè labat vini poend ou, oui ! ».

 

A t’Serstevens, grand marin et écrivain nous raconte aussi que le Père Labat tenait les flibustiers en grande estime pour avoir navigué avec eux, quelque peu contraint, pendant 52 jours à prendre des navires au canon ou à l’abordage, à chasser dans les îles, à boucaner le gibier, à trafiquer des marchandises de pillage contre de belles piastres. Leurs descendants pêcheurs, lorsqu’ils voient, de la mer, les mornes de l’île s’envelopper de nuages, se disent entre eux :  « le père Labat met son bonnet ». 

 

Le récit imagé met en scène un père Labat assez conforme à l’image qu’il donne à travers ses célèbres mémoires (Voyage aux isles de l’Amérique) et reprend avec justesse plusieurs épisodes de la vie de ce religieux qui ne craignait pas grand-chose et dont l’intérêt pour la mer et les marins est très présent. Un jour nous conterons le récit de la bataille qui opposa le navire qui le portait avec un méchant anglais qui l’avait pris en chasse.

 

Mais avant, nous parlerons du terrible système de l’esclavage et son commerce d’êtres humains. Le sous titre de l’album « Eau de vie, eau de mort », résume assez bien ce propos à l’unisson du déroulement du scénario. Car rhum et esclavage sont étroitement mêlés.

 

Jean-Marie Quiesse - août 2019

 

Le port des marins perdus

« Ships are the nearest thing to dreams that hands have ever made », « les navires sont les choses les plus proches du rêve que des mains ont jamais pu faire » peut-on lire sur la dernière page de l'ouvrage. J’en dirai autant de ce conte fantastique qu’est « le port des marins perdus »,  merveilleux objet de mer, un hymne à la poésie maritime et aux chants de marins.

 

Les critiques sont unanimes, ce roman graphique des italiens Teresa Radice et Stefano Turconi  est une superbe aventure maritime. Tout y est : le mouvement, l’émotion, le calme, la tempête, les combats, le trésor et le mystère.  Mais qui cache quoi ? Ce récit est d’une profonde délicatesse à l’image du trait à la mine de plomb de Turconi.  C’est un récit d’une grande humanité où l’on croise les hommes de la mer et les femmes des ports. On y partage la vie des marins, tel le Capitaine Nathan Mc Leod, pilier essentiel du récit et puissant amant de Rebecca, patronne lettrée de maison close du Pillar à Plymouth, axe central de cette géographie océane, sans oublier William Roberts, trouble commandant de sa gracieuse majesté. 

 

Les décors sont d'une précision remarquable, là où se qui déroule le destin du jeune Abel, marin amnésique repêché des eaux dans le golfe de Siam. Il n’est pas oublié de la vie, mais il en a tout oublié, surtout du destin qui l’a mené là, tout comme un nouveau né. On y croise des personnages forts, attachants aux noms évocateurs de Stevenson ou Haddock. Les trois filles du capitaine maudit,  Helen, Heather, et Harriet tiennent une auberge qui n’est pas l’Amiral Benbow mais l’Albatros, vaste oiseau des mers qui évoque la langue des oiseaux, celle de l’esprit de la poésie, tout comme le H commun de leurs prénoms. L’intrigue est donc pleine de mystères. Elle nous tient en haleine. Où mène cette étrange échelle d’évènements inspirée par un souffle biblique tel l’inoubliable Moby Dick ? Le nom d’Explorer y fait souffler le vent de l’aventure. Combien de temps durera la nuit ?

 

Cette œuvre est portée par de magnifiques frégates filant sur l’océan telle la vie.  Mais l’originalité de l’œuvre c’est qu’elle est portée par la poésie maritime : Woodsworth, Blake, Coleridge, Byron, Néruda et Shakespeare, éparpillée au grès des vignettes, petits billets éparpillés dans le décor, sur les vagues où les fleurs d'un couvre-lit.

 

Des côtes du Siam à celles d'Albion, du cap Horn à l'île de Pâques, le jeune homme, à l'âge indéterminé et sans mémoire qui porte sur le monde un regard vierge, se met en quête de son identité : ce lourd et fantasmatique secret le conduira inéluctablement vers le "port des marins perdus". D’un bout à l’autre du récit, l’émotion nous étreint. « Chaque poème désire trouver la voie qui mène au cœur de celui qui l'écoute et qui se l'approprie. Quand cela arrive, le poète a rempli sa tâche. La tâche du semeur d'émotion. » Un objectif parfaitement atteint dans le cas présent, l'ouvrage nous faisant passer par toute une palette d'émotions d'une rare intensité. Amour, enfance, mort, le temps qui passe, et, bien sûr, la mer et le vent, sont les ingrédients omniprésents de  cette épopée maritime sans oublier la musique et les formidables chants de marins Embarquez sur "l'Explorer" et le « Last Chance », vous passerez un très agréable voyage.

 

Jean-Marie Quiesse mai 2019

 

L'étrange chevalier de Fréminville et son tragique amour saintois

 

Parlant de Brest Pierre Mac Orlan disait que « Fréminville, solitaire dans son bel appartement encombré de choses anciennes, animait les objets des îles et les coquillages marins, roses comme la chair  secrète de cette fille chérie ». Quelle était donc cette fille chérie qui accompagnait chaque geste et chaque pensée de la Chevalière que les brestois surnommaient mademoiselle Pauline ?

 

1. Homme et femme, amoureux de la mer

 

En fait Christophe-Paulin de La Poix de Fréminville (1787-1848) était un homme. Entouré de gens de la mer, il se passionne dès l’âge de huit ans pour les voyages de Cook. « J’accomplissais à peine ma quatorzième année, lorsqu’en 1801, j’entrai au service de la marine où m’entraînait un irrésistible penchant. » Il écrit en 1802 une belle poésie «  le véritable tableau de la mer ». Rarement on n’a donné une telle magie aux termes de marine :

 

« Vous entendez parler un langage barbare

De ride, borde, largue, affale, brasse et amarre,

Vire, lève le lof, amure, brasse au vent

Hale au vent la bouline, aux drisses mets au vent »

 

2. De la bataille de Trafalgar au maquis chouan

 

Il participe au combat de Trafalgar puis s’embarque à seize ans pour Saint-Domingue alors possession française. Il rêve d’y trouver la douceur des îles et pouvoir assouvir sa passion de naturaliste. Hélas il ne trouve que désolation sur fond de révolte de la population libérée par la révolution, menacée par Napoléon de retourner en esclavage. En même temps qu’il assiste impuissant aux ravages de la fièvre jaune parmi ses camarades, il vit le massacre de ceux que l’on appelle des « nègres », embarqués sur les navires et noyés en pleine mer par centaines. Il participe à d’autres expéditions en Europe, prend un temps le maquis avec les chouans et intègre la noblesse bretonne en se mariant en 1815  à Ploubazlanec. Il aura deux enfants.

 

3. Le coup de foudre tragique

 

C’est la Restauration, il a hâte d’embarquer de nouveau : Russie, Afrique où, toujours à la recherche de spécimens, il se trouve face à face avec un lion. Mais c’est aux Saintes le 25 aout1822 qu’il tombe amoureux fou de Caroline. « Ah ! Les jours trop courts que j’ai passés alors auprès de Caroline, furent certainement les plus heureux de toute ma vie ». Le 17 octobre il fallut repartir. De retour le 6 décembre il découvrira, hélas,  la tombe de sa bien-aimée qui s'est noyée de désespoir.

 

'. La chevalière de Fréminville

 

Il continua ses navigations et ses combats dans une époque politiquement agitée  avant de se retirer à Brest(1831) et pratiquer avec brio l’archéologie, vivant dans un étrange musée où un visiteur témoigne l’avoir vu habillé en femme, selon l’habitude qu’il avait contractée : « cette vénérable contemporaine du maréchal de Saxe exécuta une révérence des plus solennelles, ôta ses lunettes – Je désire dis-je parler à monsieur le Chevalier de Fréminville- C’est moi, monsieur, ajouta-t-elle en saluant de nouveau ».

 

Sans doute le souvenir de Caroline est-il quelque chose dans cette habitude extravagante et très bien acceptée dans le milieu brestois où  il « semble rivaliser avec les femmes de grâces et d’élégances… ». Il écrira en parlant de lui même :  Chaque jour M de Fréminville prend un plaisir nouveau à se parer comme une femme et, plus loin,  « Hercule lui-même se plut à se mettre en femme et à filer aux pieds de la reine de Lydie… »

 

Grand marin, bretteur, grand botaniste, père de l’archéologie bretonne, auteur de 15 ouvrages savants, il meurt le 12 janvier 1848 à 61 ans.

 

Jean-Marie Quiesse février 2019

 

Ecouter et voir sur You Tube

Sources : Jean Merrien : Un certain Chevalier de Fréminville (Editions maritimes et d'outre mer)

https://raymondjoyeux.com/2014/04/10/amour-tragique-aux-saintes-en-1822/

 

Louis Brauquier : Poète du temps maritime et du mouvement des navires

 

Eh bien! c'est dit, je pars; les grands embarcadères/ Grinceront sous mes pas./ Je donne rendez-vous au prochain hémisphère,/ Au café de l'endroit./ (...) Adieu amis, vieillards adieu, notre vie est/ Celle du monde.» (Louis Brauquier)

 

C’est le chanteur Gérard Pieron qui m’a fait entrer dans l’univers nomade de Louis Brauquier La  poésie maritime n’est pas réservée aux auteurs qui contemplent la mer du rivage. Elle  inspire également  ceux qui vont dessus et le peuple des ports, reflets des mondes de la terre et de la mer.

 

En France,  un des plus anciens poètes embarqués est Jean Parmentier, capitaine de navire, du16ème siècle qui écrivait :  « Qui connaîtra les merveilles de la mer,… Mais qui dira: j'ai  vu telle aventure, Sinon celui qui navigue dessus. ». D’autres viendront, comme, plus près de nous,  Henry Jacques, qui passa le Cap Horn,  Tristan Corbière, Michel Tonnerre  ou Yann Nibor, matelot poète et chanteur.

 

En ce domaine  Louis Brauquier est un peu un cas à part car il n’est ni capitaine ni matelot. Employé de bureau il a pourtant passé sa vie à naviguer sur les bâtiments de le la compagnie des Messageries maritime, posant son sac au grès des mutations, toujours  au-delà de Suez. Sydney, Nouméa, Alexandrie, Djibouti, Shanghai, Diégo-Suarez, Colombo, et le retour à Marseille où, dit-il : « Jamais je n'ai oublié l'odeur des coursives où se mélangeaient celle de la peinture fraîche, celle, poivrée, qui venait des cales, et celle, opaque, de l'opium que fumaient dans leur poste, au-dessous de la ligne de flottaison, les boys chinois.»

 

Car Brauquier est à la fois passionnément attaché à sa ville, Marseille, mais aussi irrémédiablement attiré par la mer, et les terres lointaines auxquelles font rêver les bateaux en partance dans le port phocéen. Les cafés sont ses boîtes à rêve, ses alexandrins sentent la mer. 

 

Loin des écoles littéraires de son époque, il a pourtant été ami des plus grands. C’est un homme libre, fier de son métier de négociant qui consacre sa poésie au monde maritime, au mouvement des navires, à l'attente dans les ports et à la vie ailleurs. Marcel Pagnol s’inspirera de Louis Brauquier pour le personnage de Marius.

 

"Toujours ce secret espoir me reste que, même si c'était fini, deux ou trois de mes vers persisteront à chanter dans la mémoire de jeunes hommes solitaires dans les soirs des ports".

 

Jean-Marie Quiesse Janvier 2019

 

Louis Brauquier en images You Tube par JM Quiesse

 

Mystères et légendes de la mer - Erik abranson

 

 

Chaque auteur y va de son petit couplet sur les mystères de la mer !  Mais voici un récit haut en couleur.

 

Mais un voici un très bien narré par un vrai marin. Erik C. Abranson a navigué sur les mers du monde, notamment avec son ami j « Bob » sur le voilier Awahnee. Cet expert en voiles et voiliers est également écrivain. Il revisite avec talent les légendes récurrentes, mais les dose du piment de ses rencontres personnelles. Un régal.

 

Parmi d'autres récits,  voici une aventure étrange qui lui est arrivée à propos d’une chanson de marins. Alors qu’il se trouvait sur le brick-goelette Phoenix[1] lors d’une escale à Mystic Seaport (USA) au cœur d’un musée maritime avec l’étrange impression de remonter le temps. Effectivement, ils se retrouvent à couple avec le Charles W Morgan, magnifique baleinier américain.

 

Le soir venu, en compagnie de jeunes filles et de jeunes gens,  ils chantent sur le gaillard avant. On entame de vieilles complaintes de marin. Abranson souhaite alors s’isoler,  grimpe  sur le mat de misaine et s’installe sur la vergue du petit cacatois. Laissons-lui la parole :

 

« La nuit était douce et claire. Une voix chantait en solo le couplet d’une chanson de marin « As-tu connu l’père Lancelot ? » Puis un chœur d’hommes à la voix puissante repris le refrain « qui fait la pêche au cachalot ».  Et le chœur : « Hourra pour Mexico Ho Ho Ho ». Il n’y avait ni voix juvénile ni vois féminine. Les paroles ne s’élevaient pas du gaillard avant du Phoenix, mais de celui du Charles W Morgan où il n’y avait pas âme qui vive. « Il donne la goutte à ses matelots –A coup de barre de guindeau ». Ce à quoi le chœur mystérieux répondit à nouveau. Je me laissais glisser le long du galhauban et allais trouver les chanteurs sur notre navire : Il y a quelqu’un à bord du Morgan ? Demandais-je. Non, me répondit un employé du musée, il est fermé… " Ainsi se termine le récit vécu par l'auteur d'un équipage fantôme, mais chantant !

 

De très belles couleurs également dues au talent d'illustrateur de Edward Mortelmans. Un livre rare et pas cher pour les très grands enfants de la mer.

 

Jean-Marie Quiesse - octobre 2018

[1] Construite au Danemark en 1929

 

 

Retrouver ce récit en images par JM Quiesse sur You Tube

 

Mystères et légendes de la mer - Erik C. Abranson

 

Jean-Marie Quiesse - novembre 2018

 

Tristan Corbière - Les gens de mer

Tristan Corbière est né à Morlaix. Son enfance a été bercée par la lecture du Négrier, roman phare de son père Edouard Corbière dans l'ombre duquel il a longtemps vécu, entre haine et admiration. Portant les même prénom, il le changea en Tristan.

 

  Avec lui la mer n’est plus seulement le reflet de l’âme. Il fustige les "terriens parvenus " "Ô poète, gardez pour vous vos chants d’aveugle". Il incite à  prendre, la mer « Là, sous le ciel neutre, la tourmente est chez elle : le calme est un deuil. »,. Ainsi le décrit Paul Verlaine "lui, Amoureux furieux de la mer qu’il ne montait que dans la tempête, excessivement fougueux, sur ce plus fougueux des chevaux"  (les Poètes maudits). 

 

Il était très proche  de Gabriel La Landelle, auteur de romans et de chansons de mer.   A  Roscoff où il tente de se refaire une santé, il brise volontairement son premier bateau sur les rochers. Son père lui offre alors un cotre qu’il baptise le Négrier. Il sortira souvent, et dès que le gros temps est signalé au sémaphore.   Il transforme la maison familiale en repaire de pirate dont il revêt les habits, dort dans un canot planté au centre du salon et y met ses filets à sécher. Il achète un yacht plus important le Tristan, puis deux autres, pour mieux séduire Marcelle dont il s’est épris.  Il meurt a 29 ans.

 

« Corbière avait la même force que Rimbaud. Comme lui, il a inventé un nouveau style dans la poésie, en cassant le rythme de l’alexandrin. Ils avaient la même violence, usaient de la même provocation. » nous dit Catherine Urien.[1]

 

Ses poèmes Gens de mer ont été publiées dans le seul recueil jamais édité, les Amours Jaunes. Dégustez par exemple L’appareillage d’un brick corsaire chanté par Monique Morelli sur une musique de Léonardi.

 

 Visionner Les Gens de mer sur you tube (réalisation JM Quiesse)

Retrouvez mes rubriques dans l’émission l’Heure Maritime animée par Antoine Quaghebeur dont celle du Mardi 20 novembre 2018

Jean-Marie Quiesse - 23 11 2018


[1] Catherine Urien dans « Au pays de Tristan Corbière – Editions Diabase

Ar-Men l'enfer des enfers

Emmanuel Lepage est né à Saint Brieuc. On le connaissait pour Les aventures de Kelvinn ou encore Névé. Il y avait eu le voyage d'Anna en 2005 qui parlait déjà de la mer.  Mais, en 2011, il se tourne vraiment vers l'océan  avec Australes, deux volumes consacrés aux mers australes et ses îles puis, en 2016, un remarquable Ulysse. C'est un dessinateur hors pair. Sa peinture  fait ressentir les espaces, les mondes et les imaginaires marins avec toute la puissance de leurs mythes. Et c'est ainsi que nait en 2017 ce chef d’œuvre qu'est Ar Men, l'enfer des enfers, l'histoire d'un homme et d'un phare, gardiens de la Pointe du Raz entre Sein et le continent. L'histoire d'Ar Men a fait l'objet de nombreux livres et films, citons au passage Trois éclats blancs de Bruno Le Floch.

Ar-Men, l'enfer des enfers - Emmanuel Lepage - Futuropolis, 2017

 

Retrouvez AR-Men en images sur You Tube (réalisation JM Quiesse)

Emmanuel Lepage sur l'Humeur vagabonde (Ulysse) nov 2016

Emmanuel Lepage parle d'Ar Men nov 2017

 

Jean-Marie Quiesse parle d'Ar Men en images ici et dans l'émission l'Heure maritime du 6 novembre 2018

 

Jean-Marie Quiesse - Juillet 2018 - mise à jour en novembre 2018

Gens de mer - Edouard Peisson

La mer "m'apporta l'évasion que je lui avais demandée mais, par la discipline qu'elle impose, me transforma. Avec elle, on ne joue pas." . Edouard Peisson est un grand écrivain des mers et des marins. Né à Marseille, il rêve  de voyages maritimes et embarque dès 18 ans. Radiotélégraphiste puis capitaine, il connaitra jusqu’en 1924 de très nombreux paquebots et cargos des Compagnies  Paquet et Transatlantique avant de se consacrer à la littérature dans son village de Luynes.  On lui doit une quarantaine d’ouvrages  dont la plupart se passent sur la mer.

 

« Ecrivain de la mer, souvent comparé à Joseph Conrad, il bâtit une oeuvre presque exclusivement consacrée à la marine marchande, ce qui constitue une exception dans le genre de la littérature maritime. Il campe des personnages forts, capitaines ou lieutenants, et raconte leur vie à bord, les difficultés du métier, l'importance de la solidarité de l'équipage, où chauffeurs et mécaniciens qui travaillent dans les soutes ne sont pas oubliés. » (Abraxas Libris)

 

 En décembre 1919 il embarque sur une goélette à cinq mats avec machines auxiliaires et essuie une très forte tempête. Beaucoup de ces voiliers ont eu une fin tragique. C’est sur ce genre de navire mixte que va se dérouler Gens de mer, le Pétrel où Nau est nommé commandant. Un ouragan se déclenche « par 40º55' de latitude Nord et 24º44 de longitude Ouest » entre Portland et San Francisco. Chargé de sacs de grains mal arrimés et de billots de bois,  le bâtiment ne tarde pas à se retrouver en grave difficulté et avec un poste de radio qui ne fonctionne plus…

 

Jean-Marie Quiesse - octobre 2018

 

Gens de mer – Arthème Fayard

 

La sagesse de la mer - Björn Larsson

A la mer avec l'horizon tout entier autour de soi

 

J'ai déjà évoqué ici les romans de ce grand écrivain Suédois tels le Cercle Celtique ou Long John Silver.

 

On s'en serait douté, Bjorn Larsson est également un grand marin qui a publié en 2000 un ouvrage auto biographique très discret mais combien fort ! La Sagesse de la mer (Du cap de la colère au bout du monde) offre de multiples références à Harry Martinson pour qui "le droit fondamental de l'être humain doit être de voyager" font de cet ouvrage un hymne à la Liberté des mers, cette liberté n'est pas un bien absolu mais s'incarne "A la mer avec l'horizon tout entier autour de soi".

 

Jean-Marie Quiesse - Septembre 2018

 

Musiques d'à bord de Claude Ribouillault

Avec "Musiques d'à bord", Claude Ribouillault nous entraine, dans le domaine maritime,  "au grè des flots, au fil de l'eau". Chanson, danse, musique et instruments populaires, tout y passe ! Sans oublier de très nombreuses et belles illustrations.

 

C'est, à mon avis, l'ouvrage accessible le plus complet sur le sujet, une très grande référence. Il passe en revue l'univers musical des marins des océans, marins d'eau douce, nautoniers transbordeurs, galériens,  missionnaires des mers : ses descriptions et ses chansons nous enchantent. Sans oublier les métiers qui gravitent autour comme les "flotteurs", éclusiers, dockers, soutiers...

 

Claude Ribouillault  est collectionneur, musicien, marionnettiste, conteur, chercheur, écrivain, poète... C'est, ici, un grand connaisseur du domaine qui nous intéresse.

 

Jean-Marie Quiesse juin 2018

 

Musiques d'à bord

https://artpopu.jimdo.com/

Jean-Marie des brumes

Jean Lainé est un écrivain de la mer, passionné de la voile et de son histoire. Avec Jean-Marie des Brumes.  Il nous embarque à Terre Neuve mais aussi dans les terribles prisons flottantes de Porthmouth.  C'est qu'au XVIIème siècle les gars de st Malo ou de st Servan passaient hardiment de la chasse à l'anglais aux brumes des Grands bancs.  Voici l'histoire de Jean Marie Leclozic qui vient juste d'atteindre ses 17 ans...

 

Jean-Marie Quiesse - avril 2018

 

Jean-Marie des brumes

Le grand marin - Catherine Poulain

Catherine Poulain part de France à l'âge de vingt ans et baroude sur divers continents. Elle arrive au Québec en 1987, puis s'installe en Alaska où elle exerce pendant dix ans le métier de marin-pêcheur. De cette expérience elle fera un roman.  Un livre de mer écrit par une femme. Et quelle femme, mais aussi quel style !

 

"Quand Lili Colt arrive à Kodiak, un port de l'Alaska, elle sait qu'elle va enfin réaliser son rêve : s'embarquer sur un de ces bateaux qui partent pêcher au loin. Pour la jeune femme, une runaway qui a fui jadis le confort d'une famille française pour " faire la route " , la véritable aventure commence. Le choc est brutal."

 

Jean-Marie Quiesse - Mars 2018

 

Sources Babelio et Wikipedia

Ceux de la mer - A. t'Serstevens

Écrit à la première personne, on ne sait jamais si « Ceux de la mer» est un documentaire sur les marins et les ports ou un pur roman. Il sent le vécu et l’aventure, à l’image de la vie de son auteur. Tout semble réel : le cabaret des Colombos qui « sent le vin et l’huile », le poste avant du Calypso, vrai sous marin des années 1920, où « nous étions six à jouer aux cartes », l’Abri du marin de Recouvrance, le cargo Morbihan de la CGT, le Capitaine Hamelin de l’Iphigénie... Quelles fantastiques histoires que celles de l’énigme du Speedy ou du Match au tafia !  

 

"t'Serstevens occupe une place très singulière dans la littérature contemporaine. Il est poète, romancier, mais avant tout voyageur, et il fut un des rares écrivains de notre temps à perpétuer une tradition où s'illustrèrent jadis le père Labat, le président de Brosses, le Père Hue et Théophile Gautier : la tradition, pourrait-on dire, du dépaysement humaniste[i]"

 

C'est un aventurier pratiquant la voile et bien d'autres sports.  Ecrivain de talent, il est l'auteur de 57 d'ouvrages dont beaucoup sur les marins, la mer et les îles. Grand ami de Blaise Cendrars mais aussi de Mac Orlan, il s'est voulu à l'écart des mondanités, partisan du temps présent de l'aventure.  C'est sans doute pourquoi il est aujourd'hui quelque peu oublié contrairement à son ami Cendrars qui, dit-il "était sûr de son avenir posthume, cette gloire d'outre-tombe dont je ne fais aucun cas en ce qui me concerne, sur laquelle je ne compte guère, et dont, après tout, je me fiche éperdument car je n'en jouirai pas"

 

http://www.priceminister.com/offer/buy/54858699/Ceux-De-La-Mer-Livre-ancien.html

Le loup des mers - Jack London

Une magnifique exposition Jack London dans les mers du sud s'est tenue à Marseille jusqu'au 7 janvier 2018. Aujourd'hui à Bordeaux, elle me donne l'occasion de vous conseiller de lire ou relire ce chef d’œuvre qu'est le Loup des mers publié par un auteur de 28 ans. Ce roman de grande aventure est aussi une rencontre improbable entre Loup Larsen et Van Weyden esthète mondain tombé par hasard sur la goélette le Fantôme. Sur fond de pêche aux phoques, il s'agit d'une formidable controverse philosophique entre le capitaine individualiste pour qui "il n'y a qu'un droit...celui de la force" et l'écrivain qui estime que le sens de la vie réside dans la solidarité. L'ouvrage a été écrit sur le Spray, un sloop de London qui dans ce livre mène une virulente attaque contre le mythe du surhomme.

 

Cet ouvrage a également fait l'objet d'une très belle BD de Riff Reb's. Assez conforme au scénario original le trait apporte un supplément de réalisme au roman de London. Toutefois je ne peux que regretter la modification du "happy end" final en drame total alors que London laisse entrevoir que l'amour humain triomphe de la mort.

 

Jean-Marie Quiesse - Décembre 2017

 

https://www.amazon.fr/loup-mers-Jack-London/dp/2369144297/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1512903808&sr=8-3&keywords=le+loup+des+mers

http://noctambule-soleil.blogspot.fr/2012/01/le-loup-des-mers.html

Le Beligou autour du monde - Guy quiesse

Ils sont trois copains partis en aout 1966 de Saint Gilles Croix de vie. Le périple s’est achevé en juillet 1968 dans le même port. Durant ces deux années, ils ont parcourus 32.000 milles en faisant 95 escales pour visiter la côte ibérique, les Antilles, les Galápagos, la Polynésie, la Nouvelle Calédonie, la Réunion, l’Ile Maurice, l’Afrique du Sud, Ascension et un retour en Vendée en passant par les Açores.
Le récit de ce voyage est écrit par le Commandant Guy Quiesse.   L’ouvrage est préfacé par J.Y Le Tourmelin. Il contient plus de 400 photos, les croquis de construction du bateau et un livre d’or de plus de 160 signatures. Actuellement, le Beligou navigue toujours.

 

Jean-Marie Quiesse - Août 2017

 

Publication papier avec magnifiques photos - Commander

Les archives du Livre de mer

Le Grand marin - Catherine Poulain

Les corsaires du Roi - T'serstevens

Le dernier voyage de la Rosamond - H Chevalier

Tempête de Pierre Humbourg

Je connais des îles lointaines - Louis Brauquier

Le bateau qui ne voulait pas flotter - F Mowat

Les filles du vent - David Lewis

Survivre - Douglas Robertson

Chansons de la mer et des marins - Bernard Deguy

Ferrailleurs de la mer - Paolo Bacigalupi

Le loup des mers - Jack London

Le Béligou autour du monde - Guy Quiesse

Marines - Riff Reb's

Ceux de la mer T'serstevens

Jean-Marie des Brumes - Jean Lainé

Musiques d'à bord - Claude Ribouillaud

La sagesse de la mer - Björn Larsson

Les récits maritimes de l'étrange Jean Ray

Le négrier - Edouard Corbière

Gesn de mer - Edouard Peisson

L'étrange voyage du TPMTR - Blaise Cendrars

Le bourlingueur - Blaise Cendrars

Rhum Héritage - Pè Labat volé chandelles

Le port des marins perdus - Teresa Radice et Stefano Turconi
Entre ciel et terre - Jon kalman Stefansson

Grandeur des îles - Odette du Puigaudeau

Sur les bancs - jean-Noël Duchemin

Ceux des tempêtes - André du Manoir

Rues secrètes - Pierre Mac Orlan

Libertalia ou le pirate de Dieu - Thomas Narcejac et Robert de la Croix

La vagabonde des mers - Ella Maillard

Dans le bleu - Gilbert Barnabé

Le cimetière des bateaux sans nom

Dictionnaire insolite des mots marins - Ph. Payen

La vrai vie de Long John Silver - Björn Larsson

Des racontars Arctiques - Jorn Riel

Les secrets de la mer Rouge - Henry de Monfreid

La véritable histoire de Moby Dick - n. Philbrick

Télécharger
Le Livre de Mer 1.pdf
Document Adobe Acrobat 775.8 KB