Chansons, poésies de la mer et des marins

1. Chants de travail des marins français : ouvrez vos écoutilles !

Capitaine Armand Hayet
Capitaine Armand Hayet

Écoutez, écoutez la tourmente qui beugle !…

C’est leur anniversaire. — Il revient bien souvent. —

O poète, gardez pour vous vos chants d’aveugle ; (Tristan Corbière)

 

Crois-moi, fait un tour mort et deux demi clefs sur ta langue de putain malade pour bien l’amarrer et fous ton porte-plume de fourrier dans la chaudière à coaltar, ça t’empêchera de dire et d’écrire des bêtises ! 

(Jean-Marie Le Bihor)

 

 

1- Estimons-nous bien servis à la ration

 

A virer, A ramer, A hisser, A déhaler, A danser, A boire , A pomper, du Gaillard avant, Chansons d'amour, de Terre-neuvas, de Cap-horniers[i] issues de la tradition orale les chansons de bord sont aussi vieilles  que la marine à voile ces chansons françaises de travail. Leur transmission doit beaucoup à Gabriel de la Landelle qui publie "Le gaillard avant, Chansons maritimes, recueil de chants de marins" en 1862, au Capitaine Armand Hayet (1920), Claude Ribouillault,  Michel Colleu et ses amis, tous grands collecteurs devant Neptune. Michel Colleux  a été jusqu’en Guadeloupe pour ses recherchesr[ii]. N'oublions pas aussi Michel Lefèvre infatigable collecteur et ses chansons boulonnaises. Sans eux, les festivals et les dizaines de groupes qui les clament,  elles n’existeraient plus. Patrimoine précieux, elles viennent de très loin et continuent leur route au grès du flot du temps, à la vitesse de la voile.

 

Comme le dit Jean-Marie Le Bihor, Gabier au Long Cours, « jamais, tu entends, nous chantions…quand on était plus à bord », « la chanson des troupiers, c’est pour la route, celle des carabins pour les salles de garde, et les nôtres pour le bord, oui pour le navire seulement, bordel à cul ! ». «Estime-toi bien servi à la ration que tu as eu déjà les airs de nos chansons avec des mots   qui seraient pas toujours bons pour le bord mais qui sont encore trop bien astiqués pour toi, que je te dis, figure de nuit ! »

 

Nous voilà prévenus, nous les veinards et les chanceux, « terriens parvenus » comme l’écrit Corbière.

 

 

2 - Une tradition qui a le vent en poupe

 

Dans la marine, plus encore qu'ailleurs, le chant est absolument nécessaire au travail : il guide la coordination des mouvements lorsqu'il faut hisser les voiles, il donne la cadence lorsqu'il faut souquer sur les avirons, et il encourage les matelots lors de manœuvres longues et fastidieuses, par exemple pour virer l'ancre au guindeau ou au cabestan.[iii]

 

Adaptées pour le répertoire populaire par les grands chanteurs de l'époque, ils sont interprétés par Marcelle Bordas,  Jean Villard dit Gilles (Le capitaine du navire), Yvonne Georges (Valparaiso) ou Damia (Pique la baleine, Sur le pont de Morlaix), Yvonne George, l'amie de Robert Desnos, Kerbone (Jean Quemeneur)... Ces chansons seront reprises après la guerre 39/45 par Germaine Montero, les Quatre Barbus, et plus près de nous par Guy Béart ou Marc Ogeret.

 

Elles sont  interprétées aujourd'hui avec talent par Accordage, Amitiés Océanes, l'Armée du chalut, (Lionel Masson et Thierry Roger), Au Taquet, Avis de Grand Frais, Babord Amures, Balafeen, Barababord, Batafierh, les Bateliers de Célac, Miguel Biard, les Biches Cocottes, les Bites d'amarrage, Jean Jacques Blanchard, les Boucaniers de st Malo, Bord'All, la Bouline, Freddie Breizirland, la Bricole (Boulogne), la Brigantine, Brise glace, les Brouilleurs d'écoute, Cabestan, Caboulot (anciens Charivari), les Calfats de Pontchateau, la Cambuse, Cap Canaille, les Cap-Horniers, Cap Horn, Cargo Winch, Charbonniers de l'enfer, Cent z'escales, Chant du large, Cipherspace, Chor'Hommes (Ardennes), Les Compagnons de l'artimuse, Corrigan, Croche dedans, les Couillons de Tomé (Perros Guirrec), Cré Tonnerre, les Copains à bord, les Chord'homme, Corsaire (Québec),  Corsaires malouins, Degâts d'chez nous (Batz sur mer) Les Débarqués (st Nazaire), Christian Delage, Patrick Denain, Christian Desnos, DGDE ( des gars des eaux) Manu Derrien, Djiboudjep, Douar Mor, les Ducs d'Albe, Entourloupe,  Faraday, Michel Faubert et Michel BordeleauEddu,  Ellebore (mariniers), Suzanne Ensevel,  l'Equipage de saint Goustan, Eirdan, Femmes de marins, la Ferraille, Force 5, les Forbans de Lorient, Fortunes de mer, Les Fous de bassan, les Gabiers d'Aquilon, les Gabiers d'Artimon, les Gabiers du Drellac'h, les Gabiers de l'Odet, Jean François Esmelin, les Gars d'la Cale, Gwendorn (Lyon), Les Gars d'la houle, Dan Grall, Gwen AOD (Benodet), les Fins de siècle (groupe Caennais), Albin Forêt (mariniers de la Loire), les Gabiers de l'Odet, Geule de bois, Les gens de la mer, Dan Grall,  les Gourlazous (Brest), Jean Charles Guichen et Claire Mocquard, Hervé Guillemer, les Goristes, les Héléne et Jean François, Horsain songsters, Jad'hisse (Pornic), Huit de Marennes, Kallfat, les Kanerien Trozoul, The Kraken's, Maria la Bretonne, Michel Laperdrix, Henri Laffitte, Hervé Lannez, LIbenter de Landeda l'aberwrach de Landeda,  Libertalia, Long John Silver, les Mâles de mer, Nicolas Le Rallic, Libertalia, Arnaud Maisonneuve (fondateur du groupe Cabestan), les Malabars, les Mâles de mer, Malinae, les Mat'lots du vent, Fanch le Marrec, Marée de Paradis (Patrick Denain), Marins du CotentinMarinade, Mille Sabords, Jacques Mollero, les Mourres de PorcMouez port rhu, les Murènes, les Naufragés, Nordet, les Noyez de Noyal/Vilaine, Les ouf du Dyjau, Emmanuel Pariselle (La Nonchalante), Paotred Eussa, Pavillon Noir, Patrick Prigent, les Ports autonomes, les Premiers de bordée, les P'tits chanteurs à la gueule de bois, les P'tits tirants d'eauQuatre pièces de huit, Quimorucru, Didier Quéval (Morbihan), Jean-Marie Quiesse, Quinze marins,   les Receneurs, Olivier Rech, Retour (St Nazaire), Les Rives, Rohan le barde, Rhum et Eau, Rue du quai, Rémi Sabot, Sacrée bordée,  Sillage (Yann Malau - Eric Hauchard), Soldat Louis, Soleil boulonnais, les Souillés de fond de cale, Sous le vent des îles, Strand hugg (Granville), Sur les docks (Dunkerque), Suroît des îles de la Madeleine, Taillevent, Michel Tonnerre,  Tonnerre de Brest, Paul Terral, Terre et mer, Toue Sabord (Loire), Tri Ar Men, Tricorne, les Tribordais, Trigorno,  les Vareuses Portelloises (Boulogne), Philippe Vanden et Jean Michel Deudon, La Virée, Vent du large, Vent de Noiroise, Vent de Galerne, Voix du four, Yannpolroue,  John Wright (avec Cabestan), Mikaël Yaouank,  Yogan, les Z'embruns d'comptoir...et beaucoup d'autres à découvrir dans Far et balises ou Musica Spencer.

 

Les Receneurs proposent leur  Cahier de Chants de Marins
Télécharger  le cahier

 

Cette musique maritime est  aussi celle des poètes, terriens ou marins : Je citerai à titre d’exemple : Amoros, Audisio, Autran, Baudelaire,   Bérimont, Brassens, Cadoux, Cappart, Jean Michel Caradec, Cendrars, Chateaubriand, Coppée, De la Ville de Mirmont, Devatine, De Vigny, Du Bellay, Esménard ,Henry Jacques, Homère, Hugo, LamartineGuy Lavaux , Le Braz, Mac Orlan, Pierre Menoret, Michelet, Virgile, Pierron, Florence Pinvidic et Florence Gourion,    Rimbaud,  Samain, Saint Paul Roux, Trenet, Vasca, Valery, Verhaeren mais aussi d'authentiques marins comme Corbière,  Henry-Jacques, Parmentier,  Nibor, Richepin, Michel Tonnerre, Supervielle ou Brauquier… Vous en trouverez une liste exhaustive sur le très bon site de la Poésie Maritime.

 

 

  3 - Sept hommages personnels

 

Tout d’abord, je veux rendre hommage au Gars Camus Gabier de misaine « çui là qu’a fait" Chantons pour passer le temps.  « Traditionnelle de Normandie c’est une chanson que les matelots chantaient pour virer au cabestan » nous dit Xavier Hubaut,[iv] à l’époque où le service militaire durait sept ans ! Et plus loin, « Le manuscrit dit "Berssous", rédigé à la fin du XVIIIème siècle, confirme son ancienneté»

 

 - Hommage également à Marcel Noblat et sa bordée qui en 1955 ont gravé un disque inoubliable « Chansons de bord françaises » chez Pathé.

 

 - Hommage aussi à deux amis marins hélas, disparu trop tôt en mer. Le premier sur le Beltegeuse (1979)  m’avait offert l’ouvrage « Chansons de la voile sans voiles » de Jean-Marie Le Bihor, Gabier au Long Cours et ami du Capitaine Armand Hayet, celui qui a édité le premier recueil de chansons de marins[v]. Un livre hautement initiatique et inspirant. Il m’a suivi dans mes pérégrinations autour du monde. Mais hommage aussi au second, Alain Jouan, professeur d’histoire la tête férue d’histoires de mer qui nous avait fait rencontrer un Capitaine Cap-hornier dans sa ville de Paimpol et donné le goût des choses de la mer (disparu en mer lors de la tempête de juillet 1969).

 

- Hommage, bien sûr,  à Armand Hayet qui « est surtout connu pour avoir porté au grand public les chants de marins, ces chansons entonnées uniquement à bord des voiliers, et qui aidaient aux manœuvres. Sans lui, personne ne connaitrait "Valparaiso" ou "La Danaé". Mais il a aussi ramené sur le continent les Chansons des Iles, à une époque où les transports entre la France métropolitaine et les DOM-TOM étaient longs et rares, au point qu'il était extrêmement luxueux de servir une rondelle de citron vert avec du punch aux Commandants qui venaient chez lui entendre ses histoires sans fin ! Il est probable que "Adieu Foulards, adieu Madras" aurait fini par aborder sur le continent, mais son travail en a grandement facilité la traversée. Il a enfin collecté des dictons des quatre coins du globe, et décrit avec précision la vie à bord des voiliers long-courriers »,  (sa petite fille Claire Aimé).

 

Certes, les paroles transmises par Hayet sont sans doute très édulcorées par rapport aux originaux, mais, comme l’écrit JM Le Bihor, « Il y a une bande de cons bénis à la voile même qui commencent à me casser les couilles avec leurs histoires de chansons…Alors quoi ! Vous voudriez peut-être que vos femmes te chantent : Et c’est mon gros vît biribi - Le Cap’taine qui le vire ?

 

- Cinquième hommage à Marc Ogeret qui a signé l’album « Chansons de la marine en bois » (1970) et celui des « Chansons salées de la marine », le tout dans un langage qui m’appartient pas à la marine en fer.

 

-Sixième hommage à Claude Ribouillault musicoloque, musicien,  poète et passionné de chansons populaires. Il a produit un très bel ouvrage intitulé "Chansons d'A bord"

 

- Dernier hommage à Pierre Mac Orlan qui a si bien su rendre l’atmosphère des ports et de leur faune, car, dit-il,  « dans la mémoire de la plupart de ces hommes il ne reste que la puissance du décor. Des femmes passaient dans le décor… »[vi] : Margaret du Star de Chloé, Nelly du Critérion Bar, Catari de Chia, Tess de chez Charlie, Fanny de Lanninon qui « buvait une bouteille de muscadet avec les gars de la Maistrance », Marie Dominique de Cholon, Simone de Nantes, Nini la Tonkinoise, Dorothy de Tortuga...

 

Il faut dire que les filles des ports tiennent une bonne place dans les chansons de marins : la Fille de Recouvrance de Daniel Estève, celle des bords de la Loire obligée d'embarquer sur la Frégate de trente matelots tout comme la fille de Brest "dans la barque". Mais aussi pensons aux les filles de la Rochelle, à la la boiteuse, la Margot,  aux  Filles à 5 deniers, ou celles de Saint Malo, Bordeaux, Nantes ou encore st Nazaire, les Lorientaises, les deux versions de la rue des Trois matelots, du rhum, des femmes et de la bière, …Et les filles de la rue du quai...

 

 

 4 - Civilisation et poésie du Grand large

 

Je ne ferai pas un cours sur ces chansons de travail que sont celles des marins ni de l’environnement des ports. Bien d’autres l’ont fait bien mieux que moi et je vous renvoie aux nombreux sites Web et aux  écrits de Michel Colleu . Avec lui, je voudrais seulement dire  que « Le capitaine au long-cours Armand Hayet fut l'un de ces marins issus d'une véritable civilisation du large, qui, jusqu'à ses derniers jours, resta profondément attaché à l'inoubliable souvenir de ces hommes magnifiques et à leurs fabuleux navire ». Henry-Jacques (Jacques Edmond), auteur de la chanson l'Harmonica fut poète, journaliste mais, lui aussi,  un grand marin dont il a si bien su reconstituer l'univers, sans oublier Claude Ribouillault. Mais je suivrai Max Jacob lorsqu’il dit « Dis-moi quelle fut la chanson que chantaient les belles sirènes – Pour faire tomber des trirèmes les Grecs qui lâchaient l’aviron ». Car ces voix accompagnent depuis toujours la vie des marins  et continueront le faire tant qu’il y aura des voiliers sur la mer. Le mouvement de la mer n’est-il pas aussi rythme et musique ?

 

Belle mer !

 

Jean-Marie Quiesse - avril 2017 - février 2018 - mise à jour 09 06 2021

 


[v] Jean-Marie Le Bihor n’était autre qu’Armand Hayet. Europe Editions, 1969. Cet ouvrage fut mis à l’Enfer de la Bibliothèque Nationale et redécouvert tardivement.

[vi] Mac Orlan : chansons pour accordéon (Rouen)

2. Chansons de la mer et des marins. Hardi les gars, hâle dessus !

Shtandart - Sète 2016- Photo JM Quiesse
Shtandart - Sète 2016- Photo JM Quiesse

 

Mon p'tit garçon mets dans ta tête
Y'a qu'les chansons qui font la fête
Et crois-moi depuis l'temps qu'je traîne
J'en ai vu pousser des rengaines

Michel Tonnerre

 

La tradition des chansons de la mer est sans doute aussi vieille que l'humanité. On en trouve dans tous les pays à tradition maritime jusqu'à la fin de la marine à voile. En France, c'est, dit Bernard Deguy, "au 18ème siècle que l'on danse au son de l'accordéon, du violon et même des binious, car, pour faire à de nombreuses désertions sur les bateaux de la flotte pendant la révolution, une ordonnance stipule : il convient de donner aux équipages des binious et des tambourins pour entretenir la joie entre entre eux. " Parmi les chansons à danser on peut citer l'Harmonica ou encore la Polka des marins.

 

De nos jours, on reprend souvent en chœur Jean François de Nantes, A Recouvrance, Fanny de Lanninon,  le Curé de Camaret, le Petit navire, Santiano ou encore Le premier c'est un marin. Ces chansons viennent du fabuleux répertoire des chansons de travail des marins mais aussi, plus largement, d'une tradition des chansons de la mer ou  des ports.

 

1. Un héritage populaire

 

Beaucoup d'auteurs anonymes (le gabier Camus ou Joseph-Eugène Recher-1020- sont parmi les rares marins à signer)  mais aussi des célèbrités tels Pierre Mac Orlan, Paul Emile Pajot et Théodore Botrel, Henry-Jacques (Henri-Edmond Jacques) ont laissé un héritage d'œuvres qu'on pourrait qualifier populaire. Fanny de Laninnon et Marie Dominique sont de véritables hymnes des Troupes de marine (chants de bivouac).  Sans oublier les auteurs-compositeurs et interprètes dont nous avons parlé plus haut : Armand, Christian Desnos, Michel Tonnerre, Louis Capart,  Maltavern, Rohan, Renaud, Souchon, Voulzy, Brassens, Trenet, Mikaël Yaouank...)  et les poètes : Jean Parmentier capitaine, Alphonse- Joseph Esménard, Marc-Antoine Gérard de Saint-Amant, l'aventurier Girard de Saint Amant, Tristan Corbière redoutable marin, Jean Richepin l'ami des pêcheurs, Yann Nibor  de la Royale, Henry Jacques Cap-hornier, et, bien sûr, Louis Brauquier qui  s'y entendait quant à le vie maritime. 

 

 

2. Une pléiade de chanteurs

 

Les chansons de la mer ont  très souvent « atterri » et font l’objet d’un genre abondant. Les auteurs et interprètes de "chansons réalistes" (1930) vont connaitre un énorme succès en célébrant la mer et les marins tels Alibert, Annette Lajon, Armand, Adolphe Bérard, Marcelle Bordas, Théodore Botrel, , Jean Cyrano, Damia, Marie Dubas, Fréhel, Germaine Montero, Marie Ouessant,  Edith Piaf, Lys Gauty, Suzy Solidor, Jean GabinArmand Mestral, Yvonne Printemps qui chante Alain Gerbaud,  Suzy Solidor, Berthe Sylva.

 

Plus près de nous Graeme Allwright, Appellation d'origine, Hugues Aufray, Charles Aznavour, Guy Béart, Gilbert Becaud, Philippe Berghella, Barbara, Claude Michel Biolay,  Gilbert Bourdin, François Budet,   Jacques Brel, Olivier Bellus, Georges Brassens, Jean Michel Caradec, René CargoetJeanine Chacun, Claude Cormier des îles de la Madeleine, Dominique Dimey, Gribouille qui chantent le Marin et la rose de Jean Huard et Claude-Henri Pingault, les Compagnons de la chanson, François Deguelt, Christian Delage, Christian Desnos,  Jean Claude Darnal, Dorothée, Yvon Etienne, Femme de marins, Dominique Dimey, Jean Ferrat, Ferré (et Caussimon), Forth Piou, les Frères Jacques, Gérard Jaffrès, Gilles et Julien (Jean Villard), Golmann, Lucien Gourong, Dan Grall, Hervé Guillemer, Joel Holmes, Jean Humenry, Henri Laffitte (st Pierre et Miquelon), Marie Laforêt, Serge Lama, Philippe Lavil, Bernard Lavillier, Daniel Lavoie, Félix Leclerc, Lod'Jo, Erik Marchand, Mes souliers rouges, les Marins d'Iroise, Pierre Menoret, Jean Murat, Les Naufragés, Marie Ouessant, Emmanuel Pariselle, Gérard Pierron, Rech et Malau, Colette Renard, Florence Pinvidic  Yann Poulroe, les Quatre barbus, votre serviteur Quiesse, Colette Renard, Renaud, les Rives, Marc Robine, la Rue ketanou, Vent du large, Gilles Servat, Tri Yann, Catherine Sauvage, Serre l'écoute (Québec), Anne Sylvestre, Alan Stivell, Charles Trenet, Jacques Yvard, Jean Zibar, Zoufris Maracas et bien d’autres déjà évoqués dans la séquence n°1 avec les groupes spécialisés.  Revenons à nos chants de marins.

 

 

3. A hisser,virer, ramer et du gaillard d'avant

 

Les chansons à hisser ( Jean François de Nantes)   à virer au cabestan ou au guideau (la Margot, Tacoma, Hardi les gars, mais aussi le Père Lancelot une véritable chanson du charivari), à ramer (les Filles à cinq deniers) sont les plus caractéristiques du travail d'effort de l'équipage. Les chansons du gaillard d'avant s'entonnaient  lorsque "le long courrier trouve la véritable trêve et "goète" durant quelques jours toute la douceur de naviguer" nous dit le Capitaine Hayet (les Filles de la Rochelle, Jean Quéméneur...)

 

 

4. Tout un scénario de marine et des gens de l'eau

 

Ces chansons appellent à l'aventure (Garçon, prend la barre, Sur la route de San Francisco, le Tour du monde, l'appareillage d'un brick corsaire,  évoquent aussi la vie des marins. Ainsi Guy Béart évoque le Sort des matelots.  Souvent critiques (La Carmeline, le Chili) elles furent parfois interdites comme Adieu cher camarade.

 

Terrains privilégiés de l'aventure, voyez Au vent des îles dans cette même rubrique.

 

Les rencontres amoureuses fleurissent sur les quais ou en mer  : Naviguant dans le port de Nantes, Du rhum, des femmes, la Barbière, A Lorient la jolie, Margot, la Boiteuse, Chantons pour passer le temps, la Femme du président, la Femme du pêcheur d'Annie Cordy, l'Etranger, Escales, Jean Marie de Pantin, l'Amour en mer ... Mais un marin, ça aimme surtout la mer. Aussi que de rencontres brèves comme celle d'un marin ça fait des voyages ou le Marin de Sexy Sushi.

 

Les incitations à boire sont légion (Passant par Paris, Et mon premier c'est un marin), Donnez moi du rhum, sans oublier les rumeurs de taverne (les Balivernes de La Pérouse), Soldat Louis Encore un rhum. Et je vous renvoie à la rubrique des chansons autour du rhum.

 

Plus rares sont les évocations de batailles : Au 31 du mois d'août ou encore le Vengeur.  La Cordelière rend un hommage posthume à Hervé de Portzmoguer et à sa victoire contre les anglais en rade de Brest. On dit que Le général de Flipe est une des plus anciennes chansons de combat (1690). Elles raconte la défaite des Anglais devant Québec. Elle a été reprise par Hervé Guillemer et Hélène Fournier sous le titre Voilà les matelots.

 

La Marine nationale a ses hymnes mais également ses références avec le Commandant Bourdais navire d'accompagnement de la flottille de pêche, les Marins de Toulon (Maurice Fanon), A Toulon (Scotto-Sarvil), les Gars de la marine, A Toulon, une Chanson morte (qui évoque les Mousses quittant Brest), la Chanson des sous-mariniers ;  Ceux du Pluviose (Th. Botrel) , évoque la perte de ce sous-marin en 1910 devant Calais. En 1794 le naufrage du Vengeur fit toute une affaire et une chanson.  (il s'était rendu aux anglais mais le gouvernement de l'époque soutint qu'il avait glorieusement coulé pendant la bataille.  Le retour des rescapés du naufrage jeta le trouble !). Et puis les "sous l'eau" sont évoqués dans la fameuse "Sur le plancher des vaches.

 

En ce qui_ concerne les naufrages, je vous conseille la chanson écrite par le gardien de phare, Entre le pilier et Noirmoutier, témoin du naufrage du Tyrus e 1878), le sympathique chant traditionnel  Le naufragé, le poème Le naufragé de Voltaire, la tragédie du Saint Philibert, du Titanic, de l'Empress of Ireland dans le Saint Laurent, du Hilda, du Manureva d'Alain Colas. Sans oublier les Gars de Donges le Grand Coureur et les Marins de Groix. Le Navire de Bayonne , lui, échappa de justesse au naufrage...

 

Les mariniers, marins d'eau douce,  ne sont pas en reste avec Marinier de la Loire avec jean Mauzac, Saute ma jolie blonde, Ceux d'la Loire, Gens de Loire, Gueule de serpent, Sur les bords de la Loire, Zim Poum Poum, chanson de batelier de l'Adour, le Marinier de Couéron, le marinier de Alain Ducoffé, Quand on est marinier de Rohan le barde,  j'ai fait une maîtresse, les Mariniers (Jean Gabin), les méandres de l'enfance (Chris Descoutils) . Ils sont aussi chantés par Tino Rossi ou André Gilles sans oublier le Chaland qui passe ou le Vieux canal d'Yves Montand. N'oublions pas la récente création de Rohan le Barde sur les flotteurs de bois des Vosges (la chanson des Oualous, de "saprès gaillards, boisiieux, maraudeurs et rebouteux"), mais aussi, sur la batellerie, les mariniers, des cordeliers, des charpentiers, coupeurs d'osier, tonneliers...Gabriel Yacoub a publié Chants des mariniers de la Loire et les interprète. Beaucoup de chansons pour eux dont les bateliers. Mais  je retiens l'originale "le matelot" de Rohan le Barde et la très belle "Nonchalante" de Emmanuel Pariselle. 

 

Assez peu de références pour les marins-pêcheurs pourtant si nombreux sur les côtes de France. Toutefois citons les pescadous, de Scotto et Sarvil, le plaisir de la pêche, La Tramontane, le Trois marins de Groix, l'Alouette bleue, La chaloupe Jean Madeleine, le Petit bateau de pêche (Misraki-Brassens), Partons la mer est belle , le Chasse marée de Port Navalo,  la Pêche au thon de Martine et Serge Rives, la chanson du Pêcheur, traditionnel italien, l'alouette bleue (thonier). Toutefois sont évoqués les Terre Neuvas par Dominique Dymey, la valse des marins (film entre terre et mer) mais aussi  les métiers de la morue (èbrouialleur, décolleur, trancheur, saleur) dont Michel Tonnerre nous parle si bien dans les Ceux qu'on nommé les bancs. Évoquons Pêcheur de perles d'Anne Sylvestre.
Les Terre Neuvas ont également leur univers musical : le Tricot de laine, Loguivy de la mer, la Chanson à curer les runs, le Départ pour Terre Neuve ou La Murielle. Ecoutez également l'Heure maritime sur ce sujet.

 

Les baleiniers on davantage de succès avec le  Capitaine de st Malo, la Pêche à la baleine, Pique la baleine, C'était un baleinier, Moby Dick ( par Lucien Lupi),  La Doub' de rhum, la Chanson de Pico, Tri martolod.

 

Autour de la mer vivent et travaillent une multitude de métiers. Les ouvrières d'usine Penn sardin que chante madame Claude Michel ou les Gabiers d'artimon, les contrebandiers et Gabelous, les dockers, les goémoniers de Michel Tonnerre, seacoalers, calfats, les flotteurs, soutiers, charpentiers , chaudronniers, dockers, apprentis des constructions navales, ouvriers de l'arsenal, ouvriers du port,  le gardien de phare celui qui ne tourne pas rond, celui qui aime trop les oiseaux (Prévert), le gardien à la dérive de Louis Cozan, véritable gardien de phare à l'île de Sein qui rend hommage à Jean Donnard arraché de son phare des Vieilles. Les naufrageurs ont aussi leur place tout comme les sauveteurs. Les bateliers étaient nombreux dans l'ancien temps et ont été l'objet de très nombreuses chansons et surtout les batelières. Les femmes de marin sont aussi chantées magnifiquement dans la Bigoudène de Pors-Poulhan. Les boîtes à matelot  sont souvent l'objet de nombreuses chansons : ainsi le Resto "La Falaise" de Pierre Yves Gien,  les "Hommes de Bar" par Babord-Tribord ou encore le Bistrot du Port et sa servante rousse. 

 

Pirates et corsaires tiennent bien leur place : Le forban, Avec Jean Bart chanté par DGSE qui chantent aussi Les Baleiniers ou les Quinze marins de Michel Tonnerre, le Corsaire de st Malo.

 

Jean-Marie Quiesse Aout 2017 - mise à jour 10 05 2021 - 15 04 2024

3 - Chansons du charivari

Charivari à l’homme fort

 

La chanson à virer est entonnée par les hommes qui virent au cabestan pièce de traction surnommée « l’homme fort ».

 

Du temps de la marine à voile, le cabestan était un treuil vertical dans lequel on encastrait les leviers que vont pousser les hommes d’équipage. La partie externe où s’enroule l’aussière s’appelle la « poupée ».   Il sert à lever l’ancre, virer une aussière. Il fait usage de grue pour hisser de lourdes pièces où une grand voile. Plus tard, il fut motorisé.  Aujourd’hui le guindeau sert exclusivement à relever l’ancre et possède un axe horizontal tandis que le winch sert à raidir les écoutes ou les aussières.

 

Au temps des voiliers, ce travail était l'occasion de chants sarcastiques ou irrévérencieux, chanson grivoise composée ou improvisée par l'équipage moquant un ou plusieurs officiers. Les hommes du cabestan avaient un privilège spécial nommé « franc parler du cabestan » dit encore charivari.

 

 On tolérait de l'équipage qu'il exprime tout et n'importe quoi, pourvu qu'il fasse son travail de bête de somme. La récréation du Charivari, était traditionnellement lancée à l'occasion d'un effort particulièrement dur (lorsque par exemple il faut forcer sur le cabestan pour déraper- arracher l'ancre du fond- avant de la ramener à bord) Le chanteur entonnait « Charivari pour qui ?  Pour le lieutenant, un abruti! Et pour qui ? Pour le commandant...qu'a une épée aussi! ». Les couplets semi improvisés devaient systématiquement rimer en « i », si possible avec le mot "aussi". On pouvait se gausser de tout, de la perruque du commandant, de son avarice, de sa sévérité ou même de la vertu de son épouse ! Mais le charivari pouvait également être un lieu d’éloges

 

Longtemps tolérée cette coutume fut interdite en 1825 dans la Royale et dans la marchande sous Napoléon III3.

 

Ecouter le Père Lancelot

 

Jean-Marie Quiesse

juillet 2020 - Mise à jour 21 12 2024